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Cédric SIMON
(scénario)

Éric STALNER
(scénario, dessin & couleur)


La curée
(d’après le roman d’Émile Zola)




Cette adaptation est une belle façon de donner une nouvelle vie à un roman du XIXe (deuxième volume des Rougon-Macquart, paru en 1872) qui n’a malheureusement pas perdu de son actualité. La soif de l’argent et du pouvoir, le désir d’enrichissement au mépris de toutes les lois, par tous les moyens y compris la corruption et la spéculation immobilière, sont hélas encore régulièrement à la une des journaux et les « affaires » ne cessent de se succéder dans les palais de justice.

Nous sommes ici en 1852, sous le Second Empire et Napoléon III va bientôt confier au baron Haussmann la modernisation de la ville de Paris. Il faut assainir et embellir, élargir les avenues, créer des boulevards, raser du vieux pour construire du neuf, plus haut, plus beau, plus cher. La ville devient un immense chantier pour le plus grand bonheur des spéculateurs.

La formule de Zola reprise en première page est superbe : « Aristide Rougon s’abattit sur Paris avec ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les champs de bataille. »
Mais l’oiseau de proie manque encore sérieusement d’envergure.
Il débarque de sa province sans argent, avec femme et enfant, et s’installe dans un modeste logement. Il n’a que ses rêves, son enthousiasme, son énergie et sa fourberie, c’est justement ce qu’il faut pour réussir dans les affaires.

À peine arrivé, il se rend au bureau de son frère, Eugène, qui est avocat. L’entrevue est houleuse d’autant plus qu’Aristide a fait le choix de la République quand Louis-Napoléon Bonaparte a préféré le coup d’état et l’empire. Mauvaise pioche ! Eugène lui obtient tout de même un emploi dans l’administration de l’Hôtel de Ville mais lui demande de changer de nom. Et voici Aristide Rougon devenu Aristide Saccard, agent voyer, chargé de surveiller l'état des voies publiques. Il écoute, regarde, se comporte en employé modèle et en quelque temps, les plans et les cadastres n’ont plus de  secrets pour lui. Un poste stratégique idéal pour anticiper tous les projets d’urbanisme.

Mais pour s’enrichir il faut investir et sans argent il est difficile d’entrer dans la partie. La maladie et le décès de sa femme ouvrent de nouveaux horizons. Avec l’entremise de sa sœur Sidonie, Aristide parvient à épouser la fille déshonorée, mais richement dotée, d’un ancien magistrat.  Et c’est ainsi qu’arrivent les fonds et les biens permettant au rapace de se lancer dans la curée et de profiter pleinement du dépeçage de la capitale.

Mais c’est aussi ainsi qu’arrive l’autre personnage principal du roman, la jeune et jolie Renée, nouvelle épouse d’Aristide, que son âge va plutôt rapprocher du fils d’Aristide, Maxime, devenu un beau jeune homme attiré par la brillante vie parisienne. Les feux de l’amour au cœur d’un univers impitoyable…

Des dialogues percutants, un graphisme fin et expressif, des dominantes de couleurs très bien adaptées aux atmosphères, voilà un album très réussi. Bien sûr, il y a quelques arrangements avec le roman, pour simplifier parfois et replacer certaines scènes dans un ordre plus chronologique, ou pour rendre une situation plus visuelle mais ce n’est jamais au détriment de l’histoire ou des personnages.

Un superbe travail qui rappelle à bon escient que Zola n’a pas hésité à dénoncer les scandales et les injustices et qui ouvre un nouvel accès vers une de ses œuvres. Les puristes pourront toujours se plonger dans le roman après avoir lu la BD ou en même temps comme on dit aujourd’hui.

Serge Cabrol 
(08/07/19)    



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Bandes dessinées














Les Arènes

(Avril 2019)
128 pages - 20 €










Cédric Simon,
né en 1992, est licencié en sociologie économique. La curée est son cinquième album avec Éric Stalner.





Éric Stalner,
né en 1959, est l’auteur de plusieurs dizaines d’albums. (voir sa bio-bibliographie sur Opale BD