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Michel Zévaco
(1860 - 1918)
Journaliste anarchiste
et romancier populaire
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Michel Zévaco est né à Ajaccio le 1er février 1860. Son père étant militaire, la famille quitte la Corse pour Saint-Maixent en 1869. Suivent alors neuf années d’internat. Après son bac en 1878, Zévaco entre au lycée Saint-Louis à Paris pour préparer le concours d’entrée à l’école Normale Supérieure mais en deuxième année, à vingt ans, il demande un poste de professeur et obtient une nomination au collège de Vienne. Dix mois d’enseignement suivis d’une révocation pour avoir enlevé la femme d’un conseiller municipal (qui rejoindra son mari peu de temps après).
En 1882, il s’engage dans l’armée et rejoint le 9e régiment de Dragons. Plutôt réfractaire à la discipline, à la fois insouciant (il oublie son sabre, laisse échapper un cheval, néglige une ronde de nuit…) et insolent, il accumule 88 jours de consigne et 118 de salle de police en quatre ans.
Lorsqu’il quitte l’armée, en 1886, il s’installe à Paris et vit d’emplois « alimentaires » en attendant de pouvoir vivre de sa plume. « La littérature m’apparaissait comme le seule occupation rationnelle de mon intellect et d’avance j’en avais savouré les idéales jouissances ». « J’abattis en trois mois un volume de nouvelles d’un militarisme effréné, quelque chose comme un adieu au passé, avant de m’abandonner au torrent de révoltes qui m’emportait ». Et son premier livre, Le Boute-Charge, paraît en 1888 à La Librairie Illustrée.
Il opte pour le journalisme politique et collabore à La Tribune Libre puis à L’Égalité où paraît, en juin 1889, son premier roman-feuilleton, Roublard et Cie (sous-titré «Les tripoteurs du socialisme ») qui vise « les parasites éhontés qui exploitent le socialisme et s’en font un tremplin ».
Il se présente aux élections législatives en septembre 1889 dans le 12e arrondissement de Paris et recueille 1,1 % des voix. Ce sera à la fois sa première et son unique candidature.
Polémiste virulent, sa cible préférée est le ministre de l’Intérieur, Constans, qu’il provoque en duel, ce qui lui vaut d’être assigné devant un tribunal pour « provocation au meurtre ». Malgré la brillante plaidoirie de Marcel Sembat, il est condamné à quatre mois de prison et mille francs d’amende, et incarcéré à Sainte-Pélagie du 25 avril au 25 août 1889.
A la sortie, il retrouve la rédaction de L’Égalité où il écrit articles, romans-feuilletons et nouvelles. A la même époque, Louise Michel y publie aussi des romans-feuilletons, Les claque dents en 1889 et La chasse aux loups en 1891 ainsi que ses Mémoires.
Zévaco rencontre aussi la journaliste Séverine qui avait fondé Le cri du peuple avec Jules Vallès en 1883 et qui le dirigeait depuis sa mort en 1887. Il décide de créer lui aussi un journal, Le gueux, dont un seul numéro paraît en mars 1892. Il collabore alors au Courrier français jusqu’en 1896.
Mais en 1892, il a encore affaire à la justice. Les attentats anarchistes se multipliaient partout et la France connut une flambée de terrorisme qui culmina en 1894 avec l’assassinat du président Sadi Carnot. Suite à une explosion dans un restaurant qui tue deux personnes et blesse une fillette, Ravachol est guillotiné en public le 11 juillet 1892. Dans un meeting, Zévaco déclare : « Je me fais agent provocateur et je dis : s’il vous faut de l’argent, prenez-en ; s’il vous faut assassiner pour en avoir, tuez ! ». Il est assigné devant la cour d’assise mais ne s’y rend pas et se retrouve condamné à un an de prison par défaut et deux mille francs d’amende. Zévaco fait opposition et se présente devant la cour d’assise où il voit sa peine de prison diminuée de moitié. Il reprend le chemin de Sainte-Pélagie où il passe les six premiers mois de 1893.
Ce deuxième séjour derrière les barreaux ainsi qu’une répression accrue contre les anarchistes l’incitent à plus de retenue dans ses propos. Il se lie avec les artistes du Chat noir à Montmartre ainsi qu’avec Jean Jaurès qu’il admire énormément. Il interrompt sa carrière journalistique pendant trois ans mais reprendra la plume pour l’affaire Dreyfus en 1898.
Les vingt dernières années de sa vie ne seront plus consacrées qu’à l’écriture des romans-feuilletons. En 1899, il fait paraître Le Chevalier de la Barre dans Le journal du peuple, puis en avril 1900 Borgia dans La petite république française où il publie sept titres (plus de 1400 feuilletons) en cinq ans puis au journal Le matin (où il est avec Gaston Leroux l’auteur le mieux payé de l’époque : un franc la ligne) qui en publiera neuf depuis Le capitan en 1906 jusqu’au Pré-aux-clercs qui paraîtra à titre posthume le 8 août 1919, un an après sa mort.
Les Pardaillan
La série des Pardaillan paraît d’abord en feuilleton en quatre épisodes, deux dans La petite république (Par le fer et par l’amour, 1902 et La Fausta, 1903) et deux dans Le Matin (Pardaillan et Fausta, 1912 et Le fils de Pardaillan, 1913).
Le découpage est différent pour la publication en onze volumes. Sept paraissent chez Fayard (Les Pardaillan, 1907, L’épopée d’amour, 1907, La Fausta, 1908, La Fausta vaincue, 1908, Pardaillan et Fausta, 1913, Les amours du Chico, 1913) et quatre chez Tallandier (Le fils de Pardaillan, 1913, Le trésor de Fausta, 1913, La fin de Pardaillan, 1926 et La fin de Fausta, 1926). Les trois volumes de la collection Bouquins chez Laffont reprennent l’intégralité de la série.
Ce vaste cycle commence le 26 avril 1553, sous le règne de Henri II, se poursuit sous François II, Charles IX et Henri III (les trois fils de Catherine de Médicis), puis sous Henri IV, pour se terminer en 1614 sous la régence de Marie de Médicis alors que le jeune Louis XIII a 13 ans. C’est une période troublée, rythmée par les haines (guerres de religions, Saint-Bathélémy, assassinat du duc de Guise…) pendant laquelle Pardaillan, héros généreux et séduisant, qui vend son épée au plus offrant et déjoue tous les complots, va mener une lutte sans merci contre la belle princesse Fausta, descendante des Borgia. Après avoir connu l’amour (ils ont un fils ensemble) ils ne connaîtront que la guerre. A la fin, Fausta et Pardaillan entrent dans un caveau empli de poudre : « Presque aussitôt après, ce fut comme un formidable coup de tonnerre… Le sol trembla, les murs craquèrent. Puis un pétillement, un crépitement, une énorme colonne de feu. Et tout flamba, tout sauta, tout croula. »
Pardaillan est-il mort ? « Non, Pardaillan le chevaleresque, le preux des preux, Pardaillan n’est pas mort !… Et, un beau jour, au moment où nous nous y attendrons le moins, nous le verrons paraître parmi nous, de retour de quelque lointaine et épique chevauchée !… »
Le Capitan
Quand on évoque Le Capitan, on pense tout de suite à Jean Marais dans le film d’André Hunebelle en 1960. Toutefois, il ne faut pas oublier la version en deux épisodes de Robert Vernay (1946) avec Jean Paqui.
Mais bien avant les films, Le Capitan a été un feuilleton publié en 1906 dans Le Matin repris en volume chez Fayard dans la collection « Le livre populaire » à 65 centimes et dont le tirage initial a été de 100 000 exemplaires suivi de nombreuses rééditions.
Monté à Paris pour faire fortune, le jeune Capestang tombe amoureux de Gisèle, la fille du duc d’Angoulême qui complote contre le jeune Louis XIII. Le Maréchal d’Ancre, Concini, voudrait bien conserver le pouvoir que Catherine de Médicis lui a confié mais Capestang, devenu Le Capitan, met en échec tous les complots, arrête le duc de Guise, tue Concini et épouse Gisèle d’Angoulême dont le père jure fidélité au jeune roi.
« Et le roi descendit de son trône, donna la main à Capestang et le reconduisit en traversant la salle dans toute sa longueur, tandis que les chapeaux s'agitaient en l'air, tandis qu'une vingtaine de gentilshommes tirant leurs épées présentaient les armes, tandis enfin qu'une immense acclamation montait, grondait, franchissait les fenêtres et se répandait sur Paris :
– VIVE LE CAPITAN !…
Une adresse pour vagabonder : http://membres.lycos.fr/adventur/auteurs/france/zevaco/Zevaco.htm, un site où vous trouverez aussi des pages sur Alexandre Dumas, Paul Féval, Gaston Leroux, Gustave Le Rouge et d'autres encore...
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Pour cette présentation (succincte) de Michel Zévaco nous avons largement tiré profit de la passionnante et consistante (140 pages) préface d’Aline Demars qui ouvre le premier volume des Pardaillan dans la collection Bouquins chez Laffont.
Pour plus de détails, n’hésitez pas !
Sartre
et
Zévaco
« Surtout, je lisais tous les jours dans Le Matin, le feuilleton de Michel Zévaco : cet auteur de génie, sous l’influence de Hugo, avait inventé le roman de cape et d’épée républicain. Ses héros représentaient le peuple ; ils faisaient et défaisaient les empires, prédisaient dès le XIVe siècle la Révolution française, protégeaient par bonté d’âme des rois enfants ou des rois fous contre leurs ministres, souffletaient les rois méchants. Le plus grand de tous, Pardaillan, c’était mon maître : cent fois, pour l'imiter, superbement campé sur mes jambes de coq, j’ai giflé Henri III et Louis XIII. »
Jean-Paul Sartre
Les mots
Un anarchiste
au temps des rois
Pardaillan peut être considéré comme un héros caractéristique de la France républicaine des années 1900. Il représente un symbole de liberté et d'héroïsme national, contemporain, ne l'oublions pas, du Cyrano de Bergerac réinventé par Rostand. On le voit, en 1572 (il a vingt ans) sortir, grâce à son astuce, de la Bastille où on l'avait arbitrairement enfermé. On le voit, seize ans plus tard, de nouveau captif, prendre la Bastille à lui tout seul. Ce n'est pas tout. Pardaillan ne croit ni à Dieu ni à diable. Il se range aux côtés des huguenots parce que les huguenots sont les victimes, mais la religion lui importe peu. Zévaco, qui reste discret quant à l'Église réformée, peint les représentants de l'Église catholique sous le jour le plus noir, du haut en bas de la hiérarchie. Son anticléricalisme foncier – autre marque politique, de la Belle Époque – fait de Pardaillan un homme complètement détaché de la religion et de la foi, uniquement soucieux de valeurs humaines. Et Pardaillan ne consent jamais à servir un maître. C'est un homme libre. « Ni Dieu ni maître ».
Jacques Siclier
(25 juillet 1970)
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