Mon oncle Benjamin



Un roman de Claude Tillier
(1842)

Un film d'Edouard Molinaro
(1969)






Mon oncle Benjamin, voilà un titre bien familier. Le sourire de Jacques Brel, la fleur aux dents, sur une affiche de cinéma. Mais sait-on que le film d’Edouard Molinaro, réalisé en 1969 (et repris récemment en DVD avec Les risques du métiers d’André Cayatte), a été inspiré d’un roman-feuilleton paru en 1842 ? Se souvient-on de Claude Tillier, journaliste, pamphlétaire, écrivain libertaire ? Il nous a semblé intéressant de revenir sur cet ouvrage traduit en plusieurs langues, publié quasiment sans interruption depuis plus de 150 ans, qui a connu trois adaptations cinématographiques et qui se trouve toujours disponible aujourd’hui en livre comme en DVD. Un bel exemple de longévité…



Le livre

L'auteur

J’ai quarante ans, j’ai déjà passé par quatre professions : j’ai été maître d’étude, soldat, maître d’école, et me voilà journaliste. J’ai été sur la terre et sur l’océan, sous la tente et au coin de l’âtre, entre les barreaux d’une prison et au milieu des espaces libres de ce monde ; j’ai obéi et j’ai commandé ; j’ai eu des moments d’opulence et des années de misère. On m’a aimé et l’on m’a haï ; on m’a applaudi et l’on m’a tourné en dérision.
Voilà un narrateur qui ressemble beaucoup à l’auteur du roman. Même âge, mêmes métiers…
Ne rêvons-nous pas depuis treize ans que nous avons fait une révolution ?
L’auteur fait allusion à 1830, l’abdication de Charles X, dernier frère de Louis XVI, remplacé par Louis-Philippe.
Né à Clamecy, dans la Nièvre, en 1801, à la fin de la Révolution, et mort en 1844, Claude Tillier n’aura connu que l’Empire et la Monarchie. Ce qui explique le ton du roman, ses regrets et ses espoirs…
Dès l’âge de treize ans, il participe à une révolte lycéenne à Bourges contre la Restauration de 1814 et proclamera toute sa vie ses positions antimonarchiques et anticléricales.
Après sa jeunesse comme maître d’études, ses cinq années d’armée (malchance du tirage au sort, il doit faire son service militaire et participer notamment à l’expédition d’Espagne en 1823), il devient instituteur et journaliste à Clamecy. Ses pamphlets lui attirent une certaine popularité mais aussi le renvoi de son poste d’enseignant et quelques jours de prison.
Néanmoins, il persiste et signe dans l’Indépendant puis dans L’Association (dont on lui confie la direction) des articles et des romans-feuilletons jusqu’à sa mort.


Le roman

Paru dans L’association entre le 6 mars et le 14 décembre 1842, Mon oncle Benjamin est légèrement remanié et publié en volume chez Coquebert (Paris) en 1843.
Certains éditeurs ont repris plus tard la version « pré-originale » pour restaurer les chapitre supprimés en 1843. C’est cette édition qui est généralement disponible aujourd’hui.

Vous me permettrez de faire remonter mon histoire jusqu’à la deuxième génération.
Nous voilà revenus un empire et une révolution plus tôt, sous l’ancien régime, sans plus de précision. Certains évoquent 1750 et Louis XV mais des allusions aux campagnes de La Fayette (né en 1757 et parti en Amérique en 1780) ou à Malborough s’en va-t’en guerre (comptine destinée au premier dauphin de Louis XVI, connue à partie de 1781 et popularisée par Marie-Antoinette qui la jouait au clavecin) situent plutôt l’action dans les années qui ont précédé la Révolution.

Le narrateur évoque ses grands-parents qui ont eu cinq enfants en six ans. L’aîné qui était mon père s’appelait Gaspard. L’oncle Benjamin, le frère de la grand-mère, est donc en réalité le grand-oncle du narrateur. A vingt-huit ans, il habite chez sa sœur et son beau-frère, Machecourt.

Mon oncle Benjamin était domicilié chez sa sœur ; il avait cinq pieds dix pouces, portait une grande épée au côté, avait un habit de ratine écarlate, une culotte de même couleur et de même étoffe, des bas de soie gris de perle, et des souliers à boucle d’argent […] Mon oncle était médecin, voilà pourquoi il avait une épée. Je ne sais si les malades avaient grande confiance en lui, mais lui, Benjamin, avait fort peu de confiance dans la médecine; il disait souvent qu’un médecin avait assez fait quand il n’avait pas tué son malade.

La médecine est un thème plusieurs fois abordé dans le livre, notamment pour parler de M. Minxit, un confrère de Benjamin, qui consulte par l’examen des urines. Un passage sur ce dernier point rappelle Molière et fait penser à la scène du docteur Knock que Jules Romains écrira au siècle suivant avec cette femme tombée d’une échelle dans son enfance.
M. Minxit, discrètement renseigné par sa fille sur ce qui amène un paysan à la consultation, s’adresse ainsi au patient :
– Cela, c’est de l’urine de ta femme, n’est-ce pas ?
– C’est vrai, monsieur Minxit, dit le paysan.
– Elle a fait une chute, ajouta le docteur, examinant de nouveau la fiole.
– Voilà qui est on ne peut mieux deviné.
– Sur un perron, n’est-il pas vrai ?
– Mais vous êtes donc sorcier, monsieur Minxit ?
– Elle a roulé quatre marches.
– Cette fois, vous n’y êtes plus, monsieur Minxit ; elle en a roulé cinq.
– Allons donc, c’est impossible; va recompter les marches de ton perron, et tu verras qu’il n’y en a que quatre.
– Je vous assure, monsieur, qu’il y en a cinq et qu’elle n’en a pas évité une.
– Voilà qui est étonnant, dit M. Minxit, examinant de nouveau la fiole; cependant il n’y a bien là-dedans que quatre marches. A propos, m’as-tu apporté toute l’urine que ta femme t’avait remise ?
– J’en ai jeté un peu par terre, parce que la fiole était trop pleine.
– Je ne suis plus surpris si je ne trouvais pas mon compte; voilà la cause du déficit : c’est la cinquième marche que tu as renversée, maladroit ! Alors, nous allons traiter ta femme comme ayant roulé cinq marches d’un perron.


Le portrait de M. Minxit permet à Claude Tillier de dénoncer les charlatans et de s’offrir, en passant, une petite pique à l’empereur qu’il n’aime pas plus que les rois.
M. Minxit avait le geste incisif. Il parlait haut, beaucoup et sans s’arrêter ; il devinait les mots qui devaient faire effet sur les paysans et savait les mettre en saillie dans ses phrases. Il avait le talent d’en imposer à la foule, talent qui consiste dans un je ne sais quoi insaisissable, qu’il est impossible de décrire, d’enseigner ou de contrefaire ; talent inexplicable qui, chez le simple orateur, fait tomber des averses de gros sous dans sa caisse, qui, chez le grand homme, gagne des batailles et fonde des empires ; talent qui, à plusieurs, a tenu lieu de génie, que Napoléon a possédé entre tous les hommes à un degré suprême, et que pour tous j’appellerai simplement charlatanisme.

L’esprit libertaire flotte en permanence sur le roman.
Je soutiens que tout homme qui acquiert sa fortune par d’autres moyens que par son travail et ses talents n’en est pas légitime possesseur.

La noblesse est la plus absurde de toutes les choses.
Qu’est-ce que cette grandeur qui se transmet de père en fils, comme une bougie qui s’éteint ? Les champignons qui naissent sur les débris d’un chêne mort sont-ils des chênes ?
Il est impossible que vingt millions d’hommes consentent toujours à n’être rien dans l’Etat, pour que quelques milliers de courtisans soient quelque chose ; quiconque a semé des privilèges doit recueillir des révolutions.

J’ai lu quelque part que Dieu ayant fait le cœur des rois, un chien l’emporta, et que, ne voulant pas recommencer sa besogne, il mit une pierre à la place.


L’aventure avec le marquis de Cambyse est révélatrice de son mépris de la noblesse.
Le roi peut faire vingt marquis par jour, mais je le défie, avec toute sa puissance, de faire un médecin ; un médecin a son utilité, tu le reconnaîtras peut-être plus tard, mais un marquis, à quoi cela sert-il ?
Pour le punir, le marquis de Cambyse lui fait publiquement embrasser son derrière. Benjamin se vengera, grâce à une arête de saumon coincée dans le gosier du marquis, exigeant pour le sauver la même embrassade fessière…

Avec des écrits pareils sous la Restauration, on comprend que Tillier ait connu quelques jours la paille du cachot…

Surtout qu’il ne ménage pas non plus la religion et les traditions.
S’adressant à sa sœur, Benjamin s’exclame :
Jusqu’à dix-huit ans, votre fils ne pourra prendre un enrôlement dans l’armée ; jusqu’à vingt et un ans, il ne pourra contracter d’engagements civils ; jusqu’à vingt-cinq ans, il ne pourra se marier sans votre consentement et celui de Machecourt, et vous voulez qu’à neuf jours il ait assez de discernement pour se choisir une religion. Allons donc ! vous voyez bien vous-même que cela n’est pas raisonnable.

Même s’ils s’aiment beaucoup, les désaccords entre le frère et la sœur sont fréquents et deux sujets sont particulièrement brûlants : l’argent (parce qu’il en dépense bien plus qu’il n’en gagne et qu’elle ne supporte plus les visites d’huissiers venant exiger le paiement des dettes) et le mariage qui pourrait être la solution de tous les problèmes.
Elle le verrait bien marié avec la fille de M. Minxit qui s’est constitué une importante clientèle et une jolie fortune.
Mais Benjamin est trop attaché à sa liberté et au célibat pour trouver quelque attirance pour la jeune fille. C’était bien moins elle que le mariage en général qui répugnait à mon oncle, et si au premier abord elle lui avait déplu, c’est qu’il l’avait vue sous la forme d’une grosse chaîne.
Benjamin n’aime que courir les jupons et boire avec ses amis. Il développe d’ailleurs une philosophie très épicurienne.
Manger est un besoin de l’estomac ; boire est un besoin de l’âme.
J’ai pour principe, moi, que celui qui ne fait préparer à dîner que pour lui n’est pas digne de dîner.
Je ne veux pas aller au paradis, car je n’y rencontrerais aucun de vous.


Pour ce qui est du guilledou et des aventures galantes, toutes les occasions sont bonnes et sa relation avec Manette, la femme de l’aubergiste, donne lieu à des scènes croquignolettes comme ce chapitre XVIII bis qui figurait dans le feuilleton mais a disparu lors de l’édition en volume.
Manette, fascinée par son regard, lui jeta ses bras autour du cou, et, attirant sa tête à elle, elle lui rendait lentement et un à un tous ses baisers ; vous eussiez dit d’elle une chèvre s’élevant sur l’extrémité de ses pattes pour atteindre une grappe de fleurs qui pend à une liane le long d’un rocher. Mon oncle n’était pas homme à faire longtemps l’amour debout.
— J’ai l’air, dit-il à Manette, d’un poteau le long duquel tu cherches à grimper ; ne pourrions-nous aimer d’une façon plus commode ?

S’ensuit un passage assez proche du Décameron ou des Contes de La Fontaine avec le retour inattendu du mari, l’affolement des amants qui sortent par la fenêtre en laissant la grande épée de Benjamin sur la table où l’époux trompé la trouve en entrant…

Une caractéristique de l’écriture du XIXe siècle et du roman-feuilleton dont Claude Tillier use largement est l’adresse au lecteur.
A ces mots, mon oncle se réveilla.
– Quoi, dites-vous, votre oncle a rêvé cela, et tout haut ?
– Qu'a donc cela d'étonnant ? Mme George Sand a bien fait rêver tout haut un chapitre d'un de ses romans au Révérend Père Spiridion. M. Golbéry n'a-t-il pas rêvé tout haut à la Chambre, pendant une heure, d'une proposition- sur le compte rendu des débats parlementaires ? Et nous-mêmes ne rêvons-nous pas depuis treize ans que nous avons fait une révolution ? Quand mon oncle n'avait pas eu le temps de philosopher pendant le jour, par compensation, il philosophait en rêvant. Voilà comme j'explique le phénomène dont je viens de vous rapporter le résultat.


L’adresse au lecteur est un moyen d’éviter quelques descriptions…
Mon temps est précieux, chers lecteurs, et je suppose que le vôtre ne l'est pas moins ; je ne m'amuserai donc pas à vous décrire ce mémorable souper ; vous connaissez assez les convives pour vous faire une idée de la manière dont ils soupèrent.

… ou au contraire d’en justifier d’autres :
M. le bailli, devant lequel devait comparaître mon oncle, est un personnage trop important pour que je néglige de vous faire son portrait. D'ailleurs, mon grand-père, à son lit de mort, me l'a expressément recommandé, et pour rien au monde je ne voudrais manquer à ce pieux devoir.

Un chapitre consacré à la guerre est une parodie qui fait penser au Candide de Voltaire. On est souvent à mi-chemin entre la farce et le conte philosophique.
On ne doit faire la guerre que pour des motifs extrêmement graves, et le roi qui entraîne sans nécessité une partie de son peuple sur ces vastes abattoirs qu’on appelle des champs de bataille est un assassin.
Voilà de quoi réfléchir encore aujourd’hui ! Les siècles passent, les "abattoirs" restent !

Pour ce qui est de l’intrigue, on peut ajouter que Melle Minxit préfère le vicomte de Pont-Cassé, que Benjamin affronte le jeune noble en duel, et que le roman s’achève tristement avec assez de mort et de chagrin pour faire pleurer dans les chaumières.

Claude Tillier était certes journaliste mais seule la littérature trouvait grâce à ses yeux.
Il n’y a qu’une chose dans les arts qu’on puisse comparer aux produits culinaires : ce sont les produits du journalisme ; et encore un ragoût peut se réchauffer, une terrine de foie gras peut exister un mois entier, un jambon peut revoir autour de lui ses admirateurs ; mais un article de journal n’a pas de lendemain ; on n’en est pas à la fin qu’on a oublié le commencement, et, quand on l’a parcouru, on le jette sur son bureau comme on jette sa serviette sur la table quand on a dîné. Ainsi, je ne comprends pas comment l’homme qui a une valeur littéraire consent à perdre son talent dans les obscurs travaux du journalisme ; comment lui, qui peut écrire sur du parchemin, se résout à griffonner sur le papier brouillard d’un journal ; certes, ce ne doit pas être pour lui un petit crève-cœur quand il voit les feuillets où il a mis sa pensée tomber sans bruit avec ces mille feuilles que l’arbre immense de 1a presse secoue chaque jour de ses branches.

Le temps lui a donné raison qui nous permet, cent cinquante ans plus tard, de lire encore, et avec grand plaisir, ses romans. Mon oncle Benjamin est en vente dans toutes les bonnes librairies, un bonheur dont il ne faut surtout pas vous priver…

Serge Cabrol 



Le film



« Ce film est une ode à la joie » Edouard Molinaro

Mon Oncle Benjamin
L’homme à l’habit rouge

Réalisé par Edouard Molinaro en 1969




Générique
Jacques Brel (Benjamin) qui compose aussi la musique et interprète deux chansons.
Claude Jade (Manette)
Rosy Varte (Bettine)
Lyne Chardonnet (Arabelle)
Paul Frankeur (Minxit)
Bernard Alane (Pont-Cassé)
Bernard Blier (Cambyse)
Armand Mestral (Machecourt)
Alfred Adam (Le sergent)
Paul Préboist (L'huissier)
Robert Dalban (l'aubergiste)

Edouard Molinaro est avant tout réputé pour ses nombreuses comédies familiales à succès (pas toujours du meilleur goût d’ailleurs) souvent adaptées de pièces de théâtre (Oscar, La cage aux folles, etc.) Depuis 1957 il a tourné plus d’une trentaine de films en commençant par des policiers (La mort de Belle d’après Simenon). Ensuite il réalise des films commerciaux interprétés par des vedettes populaires telles que Brigitte Bardot ou Louis de Funes. Pour les historiens du cinéma, c’est un bon faiseur, labellisé « qualité France » mais pas un grand cinéaste.
Toutefois au milieu de sa filmographie émergent des films à la tonalité différente, sans doute plus personnels : Mon oncle Benjamin en 1969, L’ironie du sort en 1974, L’Homme pressé en 1977, L’amour en douce en 1985. Mais son public ne s’y retrouve pas et la critique n’est pas toujours au rendez-vous. Il faut attendre Le souper en 1992 et Beaumarchais l’insolent en 1996 pour que son goût pour les personnages historiques et les caractères hors du commun soient reconnus, ainsi que sa grande maîtrise de la mise en scène et l’élégance de ses réalisations.

Du roman philosophique de Claude Tillier, Molinaro a fait une adaptation très libre entre comédie de moeurs, libertine et paillarde, et film de cape et d’épée avec duels, poursuites et cavalcades. Le synopsis diffère de l’intrigue initiale et donne à l’ensemble une tonalité plus optimiste, une structure moins complexe. La philosophie laisse place à l’aventure et à des scènes de comédie. Le dénouement est d’ailleurs radicalement différent de celui du roman.
Le docteur Rathery est certes médecin à Clamecy mais ne soigne pas grand monde (à part les pauvres gratuitement) et pratique l’endettement comme mode de vie. Il n’est l’oncle de personne, sinon peut-être celui d’un garçon orphelin qu’il a « adopté ». Est-ce pour cette raison que Molinaro a rajouté un sous-titre qui n’est pas d’origine : « L’homme à l’habit rouge »
D’entrée le réalisateur rend hommage à l’écrivain : en pré-générique paraît une peinture représentant un village et ses habitants tandis qu’une voix off cite un extrait du premier chapitre : « A l’époque où je vous ramène, les mœurs étaient pleines d’un charmant laisser-aller et d’une aimable simplicité. Le caractère de cet âge heureux, était l’insouciance. Tous s’abandonnaient les yeux fermés au courant de la vie, sans s’inquiéter où ils aborderaient ». Puis la signature de Claude Tillier apparaît en bas à droite du tableau. Le film démarre et le ton est donné le temps d’une scène où l’on voit le Docteur Rathery appliquer des ventouses à une charmante jeune femme en pleine santé. Puis il repart au triple galop tandis qu’apparaît le générique ; d’abord le nom des deux acteurs principaux suivi du titre du film puis le nom de Claude Tillier et ses dates.

Malgré les libertés prises avec le roman, Molinaro montre un profond respect pour Benjamin qui devient un personnage plus consistant que dans le roman, généreux et provocateur et non seulement un porte-parole des idées de Claude Tillier. Certaines phrases du roman sont autant de tirades qui s’insèrent avec aisance dans les dialogues du film et même si elles sont allégées, la pensée de l’auteur n’est jamais trahie : « Le roi peut faire vingt marquis par jour, je le défie de faire un seul médecin ».

Ce joli film en costumes, riche d’une distribution d’acteurs légendaires s’était fait rare. Sa récente parution en DVD est l’occasion de le découvrir ou de le revoir non sans nostalgie.



Jacques Brel (1929-1978)

Le chanteur a bien sûr fait de l’ombre au talent de l’acteur. De son premier rôle, celui de l’instituteur des Risques du métier en 1967 à des apparitions muettes en 1974 dans un film canadien, Brel is alive ans well living in Paris, il a tourné onze films avec des réalisateurs tels que Marcel Carné, André Cayatte, Claude Lelouch et pouvait aussi bien endosser le costume de Raymond la science dans La bande à Bonnot, que celui d’un écuyer (Mont-Dragon) ou le veston de L’emmerdeur, autre film de Molinaro.
En ce qui concerne sa prestation dans le rôle de Benjamin, voici ce qu’en dit Roger Boussinot dans son Encyclopédie du cinéma (Bordas, 1980) : « Jacques Brel y rejoint sa vraie nature, celle d’un solide épicurien, lucide et au fond un peu mélancolique, se battant pour ce qu’il peut et jouissant pour oublier le reste ».



Claude Jade (1948-2006)

La première égérie de François Truffaut, qui la découvre au conservatoire à l’âge de 18 ans, tourne Mon oncle Benjamin entre Baisers volés et Domicile conjugal. Le personnage de Manette, dans lequel elle rayonne de fraîcheur, dévoilant un caractère tempétueux et un talent indéniable pour la comédie, lui vaut une belle popularité. Malheureusement la sage fiancée d’Antoine Doinel lui collera à la peau et le cinéma ne lui offrira pas d’autres rôles marquants. Elle se rattrapera à la télévision (L’île aux trente cercueils) et au théâtre (Célimène et le cardinal) où elle mènera une belle carrière.
Enfin, elle nous laisse un livre de souvenirs paru en 2004, intitulé non sans humour Baisers envolés.


Le DVD

Mon oncle Benjamin fait partie d’un coffret de deux DVD en hommage à Jacques Brel, pour le trentenaire de sa disparition. Le second film est Les risques du métier d’André Cayatte. Cette association peut surprendre mais elle est justifiée par une citation de Jacques Brel qui se trouve au dos du coffret : « Pour défendre une cause juste, je serai toujours là. »
La restauration de l’image et du son donne une image parfaite faisant ressortir la beauté des décors et la qualité des costumes.
En outre, le DVD comporte des bonus surprenants. Une rencontre entre Edouard Molinaro et deux de ses fans : François Busnel (directeur du magazine Lire et animateur de l’émission littéraire La grande librairie) et l’écrivain Alexandre Jardin. T-shirts et bouteilles à l’appui, les deux admirateurs jouent les potaches face au réalisateur qui a bien du mal a décrocher un sourire. Toutefois entre digressions sur le vin ou la mort et crises de fous rires, on récolte quelques informations sur la genèse du film et l’implication de Jacques Brel. Et ma foi, on s’amuse aussi !
Un reportage sur le tournage est en fait constitué principalement de deux interviews, l’une de Molinaro, l’autre de Jacques Brel. L’engagement de l’un, la pudeur et l’humilité de l’autre en disent long en peu de temps. Enfin on revoit avec émotion Georges Brassens et René Fallet évoquer leur passion pour l’œuvre de Tillier et l’influence qu’elle eut sur leurs propres textes.

Coffret Jacques Brel 2 DVD
Gaumont DVD, décembre 2007
Nouveau master numérique Haute Définition, format du film respecté 1.66, 16/9 compatible 4/3, son mono restauré 2.0.
Durée du film : 1 h 29
Suppléments :
- A genoux Chrétiens ! Alexandre Jardin et François Busnel rencontrent Edouard Molinaro , 2007 (26 mn)
- Reportage sur le tournage, 1969 (9 mn)
- René Fallet et Georges Brassens témoignent de leur passion pour l’œuvre de Claude Tillier. Extrait de Bibliothèque de poche, 1967 (5 mn).
- B.O. du film (1969).

Patricia Châtel 

Mise en ligne : Décembre 2008


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Le livre / Le film


Claude Tillier
(1802-1844)


Edouard Molinaro
(né en 1928)

























































Jacques Brel




Claude Jade




Bernard Blier




Paul Préboist