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Jean-Pierre ANDREVON

C'est un peu la paix
C'est un peu la guerre



Avec C’est un peu la paix C’est un peu la guerre, La Clef d’Argent a rassemblé des nouvelles que Jean-Pierre Andrevon a écrites entre 1960 et le début des années 2000, et qui jalonnent donc son parcours littéraire. Textes divers, souvent très courts – parfois pas plus d’une ou deux pages qui aboutissent à une chute fulgurante. On y trouve des histoires brèves où le quotidien bascule dans l’insolite ("Le Mariage", "Maternité"), d’autres plus ouvertement fantastiques ("La Bête", "Le Château", où le merveilleux onirique s’achève en cauchemar surréaliste), et bien sûr beaucoup de contes qui relèvent de la science-fiction pure. Mais, en dépit de cette variété et des années qui les séparent, toutes ces nouvelles frappent par une parenté d’inspiration et de sensibilité qui permet de dessiner en pointillé un portrait de l’auteur dont on retrouve les thèmes favoris.

Certaines séduisent par une fraîcheur poétique souvent liée à l’évocation d’une nature intacte : « Nous sommes descendus de la montagne par de pentes très douces, à travers des champs dorés baignant dans un air limpide et lumineux. Un vent tiède et léger nous caressait les bras, des oiseaux dansaient en ombres chinoises contre un drap de nuages. » La féerie est alors toute proche, qui permet de bâtir un château « à partir de la sueur des rêves. » « Je me suis réveillé : le château était là, entre deux herbes, juste au bout de mon nez. Je l’ai reconnu tout de suite, c’était bien le mien, celui que j’avais bâti nuit après nuit avec des pierres de rêve et de la poussière de songe. Au petit matin, il avait chu dans mon jardin avec la rosée. » Mais l’humour noir est aussi très présent, comme dans "Antiquités", "Manger !" et "Goûter, savourer, en reprendre", où le narrateur détaille l’art d’accommoder et de déguster un gibier qui n’est autre que la femelle humaine ; « Sur une bête méritoire, le sein doit être rond, ferme, abondant. Coupé net à l’attache du buste, il est immédiatement mis en glacière, fourré de fruits rouges confits, nappé d’un coulis de nougatine, encore que certains préfèrent un panage meringué. On sert glacé. »

L’auteur place de toute évidence les atrocités commises par l’homo sapiens contre ses semblables et contre les autres espèces au premier plan de ses préoccupations. Un très grand nombre de nouvelles décrivent une planète en proie à une guerre totale qui la détruit et en éradique la vie sous toutes ses formes : ainsi, dans "Suicide", un astronaute assiste à l’apocalypse depuis son vaisseau spatial : « Sur Terre, la guerre venait d’éclater. Celle qu’on attendait en priant pour qu’elle ne vienne pas, la Der des der, la vraie, générale et totale, avec emploi massif d’armes chimiques, bactériologiques et nucléaires.(…) Sous les yeux de Fergus, la Terre s’éclaira comme un lampion survolté. Puis la lumière de sang qui la nimbait s’étouffa sous une dense couche de suie semblable à un champ de boue crevassé de bulles méphitiques. » "Verticale de l’Histoire", "Le Trou", "La Pipe"», bien d’autres textes encore dénoncent inlassablement cette folie belliciste dont la fatalité semble inscrite au cœur de l’Homme. Parallèlement, s’exprime une grande tendresse pour la vie fragile et menacée qui peuple la planète, en particulier sous ses formes animales, comme c’est le cas dans "Le Dernier singe". "Dragons" évoque la disparition de l’humanité et son remplacement par une autre espèce. "La Peinture" dessine une utopie esthétique qui se substitue au spectacle de la Terre dévastée.

Enfin, la façon dont l’imaginaire s’infiltre dans le réel enchante souvent le lecteur même quand le propos du texte est pessimiste : une mélancolie cruelle mais teintée de merveilleux nimbe ainsi "Le Facteur" ou "Un Dessin au crayon magique". Dès lors une aube poétique se lève parfois sur le désastre : « De grands bouquets de fleurs blanches et rouges ont poussé entre les maisons, plus haut qu’elles, et dans leurs branches parfois un couple d’amoureux se promène lentement, glissant dans l’ombre verte du feuillage à la manière de ces poissons transparents dans la dense touffeur de leurs algues d’aquarium. »

C’est un peu la paix C’est un peu la guerre, promenade à travers une œuvre qui s’étend sur plusieurs décennies, réserve de superbes découvertes à qui voudra s’y plonger.

Sylvie Huguet 
(31/10/09)    



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Editions La Clef d'Argent


164 pages - 12 €







Jean-Pierre Andrevon
,
né en 1937 à Jallieu dans l'Isère, a publié plus de 130 romans, recueils ou essais dans des domaines aussi divers que le fantastique, la SF, le polar, la littérature jeunesse ou l'écologie. Chanteur, dessinateur, il vit à Grenoble entouré de ses nombreux chats.




Pour visiter le site
de l'auteur :
http://jp.andrevon.com/





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