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Ella BALAERT


Quand on a 17 ans



Une classe de première sur une année scolaire, de septembre à juin, avec sa vingtaine d'adolescents, s'agite sous les projecteurs poursuites conduits par la romancière. Pas un portrait de groupe mais les destins privés, croisés, de ces jeunes qui ont comme point commun d'avoir tous 17 ans, livrés ici, sans commentaires, à l'état presque brut. S'ils se sentent solidaires les uns des autres face aux adultes et à la société, quand l'opportunité s'en présente, ils se caractérisent souvent, contradictoirement, par un égocentrisme et un isolement total. L'adolescence est un âge compliqué et tous sont confrontés à des problèmes, réels ou créés par leur imagination et leur mal-être, plus ou moins importants, plus ou moins surmontables. Au sein de cette communauté artificiellement composée, chacun, replié sur ses angoisses et difficultés, incapable, par pudeur et nécessité de "se la jouer" en groupe, de se confier, de prendre le risque de se montrer vulnérable ou perdu, affiche un égoïsme et un aveuglement complets. Chacun pour soi et la trouille pour tous. « Dehors, en cet hiver, il fait froid. Dedans aussi. » « On parle d'amour. On ne parle pas de politique. On parle musique. On ne parle pas trop famille. »

Dans la ronde, il y a Jennifer, complexée par la gêne financière de sa famille mono-parentale, obnubilée par sa volonté de donner le change pour cacher aux autres sa condition modeste. Elle voudrait tant pouvoir s'habiller et paraître comme Karen à la belle chevelure blonde qui rêve d’être mannequin ou Ines la magnifique qui « pour éprouver sa propre consistance » courtise sans relâche les garçons et se saoule de fête et de danse. Clara, la petite potelée à lunettes sage que les autres jugent transparente est élue déléguée de classe. Marie la sportive, réservée mais toujours de bonne humeur, est amoureuse en secret d'Erwan, le beau gosse qui veut « vivre vraiment », carbure à la bière ou la tequila et partage ses joints avec générosité.
Avec Jérôme, Jules et quelques autres, Marie saura se battre et mobiliser autour d’eux quand Farid, le poète aux boucles brunes, risquera d'être expulsé faute de papiers en règle.
Théo, « Theo-phile en grec, Ama-deus en latin (...) l'ami des dieux », le fort en gueule, provocateur patenté depuis la mort de sa mère, survit, mal, aux côtés de son père et se console avec Manon, meilleure copine de Romane. Celle qui affiche un look gothique et traîne son mal de vivre sur le Net sous le pseudo d'Angie, « les anges ont dans le dos des méchantes dents en fer » « et si les mots n'étaient pas que des mots ? Et si, entre eux, derrière eux, dans la vraie vie, il y avait une vraie souffrance ? »
Quant à Guillaume, l'intello cinéphile, baptisé « le bouffon » au collège, timide, trop sérieux et décalé, il est amoureux de Camille qui, elle, en pince pour Alex le rocker que seule la musique fait vibrer. Pierre, alias ZorkY, fan des jeux vidéo qui n'existent plus « qu'en réseau pour tirer dans un tas d'ennemis ou participer à des tournois jusqu'à ce que mort s'ensuive » s'abîme dans le virtuel. Avec Jules et Jérôme ils ont constitué une équipe et rêvent de gagner aux prochains championnats.

Dans ces neuf nouvelles, une par mois, mettant en œuvre de un à quatre de ces personnages, cette petite troupe d'adolescents, fragiles mais vivants, au seuil de l'age adulte et de l'amour, avec au cœur l'ennui, la peur, les désirs, la révolte, l'appétit des émotions fortes, est pris aux rets du réel avec ses chassé-croisé affectifs. L'heure pour ces jeunes ordinaires en proie au trouble identitaire, certains au bord du désastre et d'autres mieux armés, d'abandonner définitivement les rives de l'enfance pour des territoires inconnus. Ensemble, ils forment le portrait de toute une génération.

Un livre où les ados se reconnaîtront, de lecture facile, attrayant par sa construction en séquences proche de celle des séries TV dont ils sont souvent nourris et mené d'une écriture simple mais efficace et exigeante sans jeunisme racoleur. Un roman porteur de débats, sans morale, mais porté au contraire par un regard juste et bienveillant et un certain optimisme.

Dominique Baillon-Lalande 
(14/02/08)    



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Jeunesse









Editions Rageot

Coll. Métis
186 pages - 7,30 €








© Lire / Raphael Gaillarde

Ella Balaert,
est agrégée de lettres. Après dix ans d’enseignement, elle s’est consacrée complètement à l’écriture et a déjà publié une dizaine de livres.








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