En 1918, le retour au village n'est pas facile pour les hommes sortis indemnes de la boucherie. Les familles qui ont perdu un fils au combat ne supportent pas ce qui leur apparaît comme une injustice. Ceux qui reviennent devaient être de sacrés planqués ! François Bes n'ose pas répondre. A quoi bon brandir sa médaille ou sa citation pour acte de courage ? Les autres sont morts et pas lui.
Le retour à la maison aussi est difficile. Sa femme a fait un vœu. Si son mari revient vivant, le cadette deviendra religieuse. François s'insurge. « Ma vie contre celle de notre enfant, tu aurais dû te rendre compte que c'était un vœu impossible. Inhumain ! Même si je croyais vraiment que la Vierge me protégerait, je n'aurais pas accepté. […] Je préfèrerais être resté avec les pauvres cons, morts là-haut, plutôt que de vivre en pensant que ma fille a été forcée d'entrer au couvent à cause de moi. »
Alors François va se battre, contre sa femme et sa belle-mère, contre l'ignorance et la résignation, pour que sa fille poursuive ses études. Il va trouver l'argent, travailler comme un fou. Elle y arrivera !

Et Clarisse devient institutrice. Elle aime les enfants, elle aime son métier et, comme son père, elle va se battre pour que les filles du village ne restent pas confinées dans l'ignorance et l'isolement familial, pour qu'elles fréquentent régulièrement l'école, qu'elles fassent du sport, qu'elles développent et affirment à la fois leur corps et leur esprit.
Quand l'électricité approche du village, Clarisse va se démener pour que les villageois acceptent d'éclairer leurs maisons, pour que les classes soient lumineuses, pour que les enfants vivent et étudient dans de meilleures conditions. Et puis le jeune ingénieur est si séduisant…
Mais la « grande guerre » n'a pas été la « der des ders ». Les bruits de bottes se font à nouveau entendre. Et quand on a des élèves juifs, il faut choisir vite…
Le roman de Roger Béteille est un roman de l'énergie, du courage, du refus de la résignation, un hommage à tous ces gens « ordinaires » qui ont fait preuve d'héroïsme en choisissant le camp des « justes », un hommage à ceux qui acceptent, au quotidien, la charge et les risques d'un perpétuel combat contre l'ignorance et l'injustice. Un livre fort et vivifiant !

Serge Cabrol