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Gyles BRANDRETH

Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles



Le livre de Gyles Brandreth s’inscrit, pour le plus grand plaisir du lecteur, dans la tradition du roman policier classique tel que l’a illustré Conan Doyle. Soient donc un crime initial dont les circonstances s’entourent de mystère, et un détective amateur qui entre plus ou moins en conflit avec une police officielle nettement moins sagace que lui. Le détective, doué de remarquables facultés déductives, est accompagné d’un ami qui l’admire sans toujours comprendre ses réactions et qui est aussi le narrateur du récit. Après les tours et détours d’une enquête riche en surprises au cours de laquelle sont recueillis des indices qui laissent le lecteur perplexe, le détective, qui a le sens du théâtre, réunit tous ceux qui sont intéressés à l’affaire pour confondre le coupable grâce à une démonstration implacable qui élimine tous les mystères résiduels.

Cette fois encore, la mécanique policière fonctionne à merveille. L’hommage aux Aventures de Sherlock Holmes est d’autant plus évident que leur héros est explicitement cité dans le roman et que Conan Doyle en est l’un des personnages secondaires. Mais le livre doit la plus grande partie de sa saveur au fait que c’est Oscar Wilde en personne qui mène l’enquête, tandis que le rôle joué par Watson revient ici à Robert Sherard, qui fut effectivement un ami de l’écrivain. Au début du roman, ce dernier découvre dans une chambre close et illuminée de bougies le cadavre égorgé d’un adolescent de sa connaissance. Il n’aura de cesse qu’il n’ait fait la lumière sur le crime, ce qui le conduit à enquêter dans les milieux interlopes que fréquentent les amateurs de gitons.

La grande réussite du romancier est de donner au lecteur le sentiment de connaître personnellement Oscar Wilde, dont le portrait est des plus crédibles. L’auteur du Prince heureux est alors âgé de trente-cinq ans, il est au faîte de sa gloire et travaille au Portrait de Dorian Gray. Le récit met en relief sa forte présence physique, son dandysme pimenté d’extravagance, son charisme exceptionnel. Oscar Wilde est de ceux qui, dès qu’ils pénètrent quelque part, polarisent immédiatement l’attention de tous. Généreux, extraverti, dévoué en amitié malgré son égocentrisme, amoureux de la vie qu’il mène à grandes guides et toujours au bord de la faillite financière, il est présenté comme un homme de cœur et comme un vrai gentleman. Conteur éblouissant, il monopolise aussitôt la conversation qu’il émaille de mots d’esprit étincelants dont le livre offre tout un florilège et dont la plupart semblent authentiques : « La vérité est qu’un poète peut survivre à tout, sauf à une erreur d’impression. » « Un gentleman se doit soit d’être une œuvre d’art, soit de porter une œuvre d’art. » « J’ai des goûts simples ; je me contente de ce qu’il y a de meilleur. »

Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles est un livre qui, outre une intrigue bien troussée, offre au lecteur un voyage dépaysant dans une époque évoquée avec beaucoup de précision, et le plaisir de nouer une relation familière avec le plus brillant de ses écrivains. De toute évidence, l’auteur connaît son sujet à merveille. Le livre est le premier d’une série dont on attend les prochains titres avec une jubilation anticipée.

Sylvie Huguet 
(18/04/08)    



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Noir & polar







10/18
"Grands détectives"

392 pages
13,50 €


Traduit de l'anglais
par
Jean-Baptiste Dupin