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Fanny COSI

Pensées en désuétude




Le livre de Fanny Cosi est composé de fragments, alternant textes courts et proses poétiques, avec parfois une nouvelle de deux ou trois pages comme Non dits, La décision ou Le mythe d’Icare
L’auteur aime jouer avec les mots, par petites touches, et fait preuve d’un étonnant sens du détail. La globalité, écrit-elle, donne un sens au détail et non l’inverse.
Elle manie avec malice le syllogisme – Je n’aime pas les illusions. Mais la vie n’est faite que de ça. Alors je n’aime pas la vie. – ou le paradoxe : un coup de téléphone interrompt parfois une rencontre ou une conversation montrant combien une communication peut renforcer l’incommunicabilité.

Quand ce n’est pas le téléphone, c’est la porte qui favorise ou empêche la communication.
« Cela faisait combien de temps maintenant ? Un an. Un an de portes ouvertes et fermées. Elle en avait assez.
Elle s'en rendait compte aujourd'hui. Une porte doit toujours être fermée ou ouverte. Et non dans les courants d'air d'un amour mal assorti. Parce qu'une porte fermée laisse ouverte une autre porte.
»
« Elle aimait les sensations fortes. Les portes bien fermées. Pour les enfoncer. Les défoncer. »

Le rencontre (ou la non-rencontre), la difficulté ou la vacuité des relations, sont des thèmes récurrents tout comme l’amour et la rupture, l’infidélité, la haine, la violence, l’enfance (battue ou violée)…
« Inceste
Elle en avait assez. De tourner. Dans sa tête. Des scénarios. Sans queue ni tête.
Des scénarios passés. D'une petite enfance. Mal passée.
Elle en avait assez. De revivre dans ses rêves. Sans trêve. Des moments périmés.
Elle en avait assez. D'alimenter dans un coin de son cerveau. Une petite enfance en peau de chagrin. Passée. Mal.
Elle en avait assez. De tourner en rond. En perdition. Dans un présent absent. Dans un lointain sans fin.
Elle en avait assez. De se débattre. Battre contre une petite enfance. En défaillance. En conséquence. Passée. Mal. Dans un lointain sans fin.
»

La douleur, la mort, le désespoir sont aussi évoqués mais souvent avec distance, avec une pointe d’humour ou de dérision.
« Mort d’un acteur
Il avait toujours confondu le rêve et la réalité. La vérité inscrite dans un coin de son cerveau.
[…]
Il aimait manipuler les êtres. Prévoir leur réaction.
Il prit une boîte de somnifères. Feignit de se suicider.
Il avait toujours confondu le rêve et la réalité.
Personne ne vint. Surtout pas elle.
La vérité inscrite dans un coin de son cerveau.
Il en était mort.
»

Fanny Cosi décrit, met en scène, crée un kaléidoscope de personnages, juste évoqués parfois, par leur voix ou leur regard.
« Je me laisse faire. A ce jeu. De regards. De renards.
Qui ne mène nulle part.
»
« Amour transitoire. Le voir dans son regard. Dans son retard. C’était sans espoir. »

Outre le jeu avec les mots, les sonorités, les doubles sens, l’auteur n’hésite pas à jouer avec la mise en page, les blancs, les lignes de pointillés, les italiques ou les capitales, flirtant par moments avec le calligramme.

Ces Pensées en désuétude sont à lire bien sûr, mais aussi à relire, à feuilleter, pour picorer ici ou là quelques lignes, avec le risque de s’y laisser piéger à nouveau une heure ou plus. Qu’importe ! Le temps passé parmi ces pages n’est jamais perdu…

Serge Cabrol 
(18/05/10)    



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Editions Edilivre

172 pages - 15 €