Retour à l'accueil du site






Henri CUECO

Le chien boomerang



Ce livre propose trois histoires de longueurs très inégales.

La première, la plus longue, éponyme du titre, grinçante et désopilante, nous raconte les aventures de Loulou, un chien errant, un tas de chiffon, qui va prendre despotiquement, dans une famille cousine de celle des "Groseille", la place du père mort.
On pouffe beaucoup en lisant l’histoire de ce chien vagabond, sale, obsédé sexuel, anticlérical, voleur, acariâtre, mais humain trop humain ! Image caricaturale, à la manière de certains récits surréalistes, d’un messie, ange exterminateur des trottoirs, qui ferait d’une simple mère "La Mère" et d’une obscure famille "La Famille".
Le narrateur, un des nombreux enfants de la mère, entrecoupe son récit : une longue diatribe libertaire sur le carcan social d’un petit bourg, de dialogues absurdement drôles entre la mère et le chien, la mère et les voisins, la mère et l’aîné ou le deuxième ou le troisième : portée d’enfants dont on ne sait trop le nombre. La Mère, donc, laisse Rond-point, rebaptisé Loulou, s’installer chez elle. Foyer qu’il choisit sûrement parce que ses membres lui ressemblent nous dit le narrateur. La mère tombe en adoration devant Loulou alors qu’il finit par faire fuir le peu de clients qui entre dans sa boutique. Elle se met à dos, pour lui, tout le village où elle tient un commerce de vitrerie-peinture-couture. Enfin, la famille, n’en pouvant plus des frasques du toutou, et apprenant qu’il possède sur le palais la marque indéniable et quasi divine, "les stigmates" du bon chien de chasse, va finir par le vendre. Mais chaque chasseur-acheteur verra son acquisition se carapater au premier coup de fusil et retourner comme un boomerang chez la mère dont il était déjà « le confident et l’autorité suprême » et qui devient en plus, miraculeusement, source de revenus.

Après cette histoire "grotesque" et drôlement dérangeante, on découvre un tout petit récit dont le héros est encore un animal. Mais attention ! Ce court texte est réservé aux amoureux des chats, les autres vont courir illico s’en procurer un ! On est tellement ému de retrouver dans le récit poétiquement concentré de l’intense mais dramatique vie de Caramel des similitudes avec celle de sa bestiole chérie : c’est tout comme le mien ! (et là on met le prénom de son chat adoré). On ne s’esclaffe plus. Finies les démonstrations intempestives et quelques peu canines, comme on a pu s’y adonner en lisant les tribulations de Loulou, mais on sourit benoîtement (on a la discrétion du félin) parce qu’on reconnait dans Sa Majesté Caramel la vie du Chat, de son chat, de "son soleil" : petite boule ronronnant qui, dès qu’on l’a eue au fond de sa poche, nous a fait vibrer de bonheur.

Enfin, le dernier texte, à peine quatre pages, déconcerte, amuse, émeut et éblouit par l’analyse brillante que le narrateur nous fait d’une phrase sibylline de sa mère. Comme quoi, "les mots des pauvres gens", expression maladroite et pudique de leur amour, nous hantent bien après leur mort…

Sylvie Lansade 
(08/12/10)   



Retour
Sommaire
Lectures










Editions JBZ & Cie

160 pages - 15 €





Henri Cueco,
80 ans, surtout connu comme peintre, est aussi homme de radio, participant régulier des "Papous dans la tête" sur France Culture. Il a publié de nombreux ouvrages, dont Dialogue avec mon jardinier (Seuil) adapté au cinéma par Jean Becker avec Daniel Auteuil
et Jean-Pierre Darroussin.