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Margriet DE MOOR
Le peintre et la jeune fille
D'abord, il y a le peintre, sexagénaire, fasciné par les contrastes
entre ombres et lumière.
La lumière, c'est un tour de main. Il faut l'acquérir, c'est
tout. La lumière existe à l'endroit où le peintre la conduit.
On reconnaît Rembrandt, bien qu'il ne soit jamais nommé, et sa vie
est retracée avec certains détails, comme lorsqu'une de ses plus
grandes toiles, La conspiration de Claudius, commandée par les magistrats
municipaux d'Amsterdam et destinée à orner le nouvel Hôtel
de Ville, est refusée et retournée au peintre.
"Un pinceau n'est pas une hachette, fit quelqu'un sur un ton irrité.
- Il arrive que ce soit le cas, dit le peintre.
- Vous gâchez le métier."
Sa première femme donne naissance à quatre enfants dont seul le
dernier, un fils, survit. Elle-même meurt d'une forme de la tuberculose.
Sa seconde compagne, qu'il n'épousera jamais, ce qui lui vaut d'être
blâmé par l'Eglise, lui donne une fille et meurt, quant à
elle, de la peste.
Après avoir connu la notoriété et mené une vie opulente,
le peintre fait faillite et doit quitter la maison familiale pour habiter une
demeure plus modeste dans un autre quartier d'Amsterdam. Pour permettre à
la famille de survivre, sa seconde femme ainsi que son fils développeront
chez eux un commerce d'art.
Et puis, il y a la jeune fille. Elsje Christiaens, danoise, dix-huit ans, entreprend
un voyage vers Amsterdam pour tenter d'y retrouver sa sur. Elle embarque
à bord d'un bateau et commence son trajet en mer du Nord. Le voyage,
périlleux, va durer plus longtemps que prévu. Elsje ne se doute
pas qu'elle est en rémission et que la mort va bientôt la rattraper.
En effet, quelques jours après son arrivée à Amsterdam,
elle est accusée du meurtre de sa logeuse à coups de hache et
condamnée à mort. Comment une jeune fille aussi fraîche,
gentille et docile a-t-elle pu commettre cet horrible crime ?
En vertu de cette sentence, Elsje Christiaens serait étranglée
au poteau jusqu'à ce que mort s'ensuive, quelques coups lui seraient
assénés sur le crâne avec l'arme du crime et son corps ne
serait pas rendu à la terre, mais exposé au gibet de Volewijck
pour se décomposer au fil des saisons par l'effet de l'air et des oiseaux.
Il ne lui reste, comme avenir raisonnable, que le repentir mais, elle n'exprime
aucun remords.
Ce jour-là, le peintre ne suit pas la foule qui se presse vers le Dam
pour assister à la mise à mort de la jeune fille. Il la rencontrera
plus tard, lorsque, pendue au gibet, il la dessinera et immortalisera cette
inconnue à la vie bien trop courte.
Le récit, rencontre de deux destins tragiques qui vont entrer en résonnance
par le truchement de l'art, est constitué d'allers et retours dans le
temps. Les différentes époques de la vie des personnages se mêlent,
s'entrecroisent et révèlent au lecteur la réflexion du
peintre sur son art, son goût pour les portraits et la technique du clair
obscur, en même temps qu'elles nous livrent un aperçu de la ville
et du port d'Amsterdam au XVIIe siècle.
Près de l'établissement Au Turc Réjoui, où l'on
servait du café et du chocolat, un groupe de femmes se tenaient là
en permanence, à attendre et à jauger les passagers qui débarquaient.
Des tenancières de pension, des changeuses, des intermédiaires
pour le personnel domestique.
Un roman très visuel, lumineux, vif, fort et captivant.
Cécile De Ram
(10/09/12)
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Sommaire
Lectures
Maren Sell
(Août 2012)
288 pages - 22 €
Traduit du néerlandais
(Pays-Bas)
par Annie Kroon
Margriet De Moor
est un auteur néerlandais. Le peintre et le jeune fille est son
sixième livre traduit en français.
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