Régine DETAMBEL

Petit éloge de la peau



La peau, frontière entre l’extérieur et l’intérieur, limite du corps, lieu de merveilles ou de douleurs, est un territoire que Régine Detambel nous présente sous tous ses aspects.

« 1950. La peau n’est pas une surface, mais une interface. Le mot vient d’être forgé. Il désigne la frange de séparation entre deux états distincts de la matière, la limite commune entre deux systèmes, qui permet entre eux des échanges d’informations. L’homme n’est pas un système isolé. Sur sa peau se joue l’interconnexité des choses de ce monde. Grâce à cette antenne enveloppante, les moindres changements que l’œil n’aperçoit que longtemps après dans la consistance, la texture, le désir ou l’apaisement des choses mondaines, l’homme le sent au même instant. »

Telle une joaillière attentionnée, Régine Detambel a recueilli des textes et des citations concernant ce tissu essentiel à notre vie. Son œuvre avait déjà exploré les os de notre corps dans La ligne âpre, les stigmates de surface dans Blasons d’un corps enfantin, la sensualité dans ses poèmes d’Icônes ou d’Émulsions, la peau comme écritoire dans Pandémonium où une mère écrit sur la peau de son fils les mots d’amour qu’elle envoie à son amant qui lui répond de la même manière.

Régine Detambel nous révèle dans cet Éloge mille facettes : les mues, les Nus et crus, les taches et les tabous, la Peauésie… et ses recherches sur la peau en littérature nous renvoient à Huysmans, Valéry, Flaubert, Kafka, Segalen…

« J’écris à l’écran, je n’ai plus besoin de toucher pour sentir, j’effleure seulement. Mon écrit est de la graine de traces. Il est eau. L’écriture aujourd’hui, moderne poétique de la peau, n’écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort-né, encore sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n’est plus une écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres — et c’est pourquoi d’ailleurs elle se mémorise si mal.
Elle dit qu’il n’est plus nécessaire de faire saigner la peau pour que l’écriture suinte vive, elle procède virtuellement, elle s’inscrit à l’écran liquide.
L’écriture est bain. 
»

Voilà un bain passionnant dans la littérature avec le regard ciselé de Régine Detambel qui nous permet de découvrir la peau, sujet étonnant, telle que nous ne l’avions encore jamais envisagée. Nous regarderons, désormais, la peau et les peaux avec une attention toute différente. Une bibliographie complète aussi cet ouvrage.

Brigitte Aubonnet 
(08/01/07)   



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Editions Gallimard
Folio 2€ / Inédit
140 pages

Photo©J.-C. Martinez

Pour visiter le site de Régine Detambel :
www.detambel.com



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