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Fatou DIOME


Celles qui attendent



Celles qui attendent, ces mères africaines dont les fils sont partis en Europe, sont des femmes au parcours semé de drames, de jalousie, d’acharnement pour nourrir leur famille malgré le peu d’argent. Arame a été mariée à dix-huit ans avec un homme de l’âge de son père, Bougna est la deuxième épouse d’un homme qui en prendra encore une troisième. Leurs fils respectifs sont partis en pirogue. C’est l’angoisse du voyage dès leur départ. La conscience des risques pris pour traverser la mer jusqu’en Espagne fait regretter aux deux mères d’avoir poussé leurs fils à partir. Puis l’angoisse encore, l’attente des nouvelles, d’un appel téléphonique, d’un courrier… Lamine le fils d’Arame est amoureux de Daba qui s’est fiancé à Ansou. Coumba s’est mariée avec Issa, le fils de Bougna, juste avant son départ. La solitude des jeunes femmes s’ajoutent à celle des mères. Bougna accouchera sans son mari dont elle est encore amoureuse.
Les deux hommes sont-ils bien arrivés en Espagne, reviendront-ils un jour en Afrique ?

Au travers du destin de quatre femmes, de deux familles nous pénétrons au cœur des problématiques africaines. La survie est une obsession, continuer à vivre malgré la misère, le malheur, l’attente. Chacune de ces femmes se sent prisonnières de vies qu’elles n’ont pas choisies. Elles ont rêvé de bonheur, d’équilibre, de désirs… Elles sont confrontées à la réalité aride : Mère esseulée, Arame cherchait les mots pour désigner cette douleur intense, qui lui était jusqu'alors inconnue. Certes elle avait déjà perdu un fils, une réalité qui lui sembla longtemps inadmissible. Mais avec le temps, elle avait reconquis un certain équilibre en renonçant à ce fils, "parti pour ce pays si merveilleux que personne n'en revient" ; car, à force de raconter cette fable à ses petits-enfants, elle avait fini par y croire elle-même. Mais cette fois, quelle fable pourrait l'aider, elle, à se faire au départ de Lamine ? Lui, elle l'attendrait. Mais jusqu'à quand ? se demandait-elle. Les oiseaux qui piaillaient dans le feuillage de son manguier n'avaient aucune réponse à lui faire. S'ils étaient des perroquets, ils auraient tout bêtement répété la phrase qu'elle ne cessait de marteler. "Une mère d'absents, une mère du vide, je suis devenue une mère de l'absence, voilà ce que je suis. Une mère de l'absence..."

Fatou Diome nous entraîne aussi du côté des hommes africains qui débarquent en Europe dans la violence des pays qui ne cherchent pas à les intégrer mais plutôt à les exploiter. Ils ont rêvé, eux aussi. La réalité n’est pas ce qu’ils attendaient : Après l'éblouissement, on examine, on scrute, on s'émeut des contours d'un monde qu'on croit découvrir, alors qu'on l'a toujours porté au fond de soi. En définitive, rien n'avait changé, ni le relief de l'île ni l'histoire de Lamine ; simplement, l'angle de vue modifiait la ligne de fuite. C'est sa nouvelle perspective qui avait fait de Lamine un autre homme. Et, désormais, pour lui comme pour tout son entourage, rien ne serait plus jamais comme avant.

Les pays dits "développés" pensent se défendre contre ces "clandestins" venus des pays pauvres. Ils les stigmatisent mais rien n’est fait pour trouver de réelles solutions.
Un écrit très fort où la fiction relate la réalité des situations vécues par des milliers de personnes. L’humain est au cœur de ce roman. Il devrait être au cœur des préoccupations des dirigeants politiques qui se préoccupent souvent plus de leurs électeurs que de la résolution des problèmes essentiels. Ils encouragent parfois les désirs d’exclusion et de racisme pour assurer leur avenir politique.
Fatou Diome donne une autre dimension à l’humain.

Brigitte Aubonnet 
(16/09/10)    



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Flammarion

336 pages - 20 €



Photo © Arnaud Février / Flammarion
Fatou Diome,
née au Sénégal, vit à Strasbourg depuis 1994. Elle est l'auteur
d'un recueil de nouvelles
et quatre romans.





Une bio-bibliographie détaillée est disponible sur Wikipédia