Ariane DREYFUS

Iris, c'est votre bleu


« Cette fois, la fleur c’est un homme. Cet homme qui reste près de moi et sa fleur se dresse. Beauté et fragilité de l’incarnation, du lien dans le temps. Et comme il n’y a pas d’instant sans son basculement, « je veux bien au bord si c’est avec toi ». Et comme la terre elle aussi a désormais perdu l’éternité, on n’ose même plus s’accrocher à l’herbe. On le fait, on continue à toucher ce qui semble nous porter, mais très doucement maintenant. Près de moi, il y a aussi des enfants qui finissent de grandir, avec ce silence particulier de quitter l’enfance sans savoir encore qu’elle reviendra avec l’amant, l’amante. Comme Valérie, quand elle se penche sur le papier ou la toile, autre pinceau d’amour, encore de l’eau pour les fleurs uniques. Ailleurs, Rwanda, Iran, Afghanistan, d’autres silences, celui des êtres, souvent des femmes, dont la vie est arrachée à vif. Ailleurs ou tout près, c’est pareil, il n’y a que Dieu qui est loin, puisqu’il n’existe pas. Ce livre a commencé avec un iris sous le bleu du ciel nu. »

Ariane Dreyfus

Vous le dirai-je d’emblée : je me suis senti bien dans cette poésie. C’est de ce bien dont je voudrais vous parler. L’écriture d’Ariane Dreyfus est faite d’arrêt brusque et de reprise des liens grammaticaux. J’y vois là tout l’art d’Ariane Dreyfus qui, par ce mouvement d’écriture inscrit entre les vers les liens qu’il faut renouer pour apprivoiser les moments disparates et inarticulés pour qu’ils deviennent siens. Dans un entretien que j’ai eu l’occasion de lire, elle disait : Il n’y a rien qui me bouleverse autant que les gestes et les mouvements du corps. Il y a donc le moment de la vision du mouvement et son appropriation dans son rapport à l’autre. Le corps est vu dans son discours à l’autre. Ceci permet de comprendre :

Nous avançons mais refaisons le baiser
Non pas pour retrouver le chemin

Baisers nombreux
Pour y aller les yeux brillants

Sauf quand ton sexe nu pousse encore
Au beau milieu

Il s’agit d’un discours amoureux entre deux êtres à l’écoute l’un de l’autre. Nous ne sommes pas dans l’expression sensuelle, mais dans ce que nous pourrions appeler l’expression de ce mouvement. Ariane Dreyfus disait : danser et aimer autour de quelqu’un pour ne pas tomber dans une béance. Cet autre extrait pour venir vous confirmer que cette poésie nous parle de la vie à travers l’expression du geste ou du mouvement à l’autre :

On crie ? Vous croyez qu’on crie ?
C’est seulement une partie du corps
Appelée la gorge

Nous nous trouvons dans l’expression des silences « bavards », ceux qui ont la pertinence des profondeurs de l’être. Alors, la lecture est douce tant nous sommes en empathie avec ce qui est dit et l’écriture qui le dit. Ce qui est dit ici reste en mémoire par le fait de cette intimité : l’enfance, l’amour font la vie des êtres.

Gilbert Desmée 
(17/03/08)    



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Poésie









Le Castor Astral
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Ariane DREYFUS,
est l’auteur de L’Inhabitable, Les Compagnies silencieuses, Quelques branches vivantes et Une histoire passera ici (Flammarion), ainsi que de La Bouche de quelqu’un, Un visage effacé et La Durée des plantes (Tarabuste), La Belle Vitesse et Les Miettes de décembre (Le Dé Bleu).