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Frédéric H. FAJARDIE


Tu ressembles à ma mort



Ce polar très romanesque se déroule en 1937 et 1938 dans une Europe au bord du gouffre et une nation française qui fête la nomination du second gouvernement de Léon Blum.

La première victime Robert Tinaire, chauffeur de locomotive, est assassiné sauvagement avec sa maîtresse lors de leurs ébats amoureux. Martial Labé son co-équipier, mécanicien, avait été tué plus d'une heure avant « en quittant le domicile de sa sœur et de son beau frère chez qui il avait passé la nuit ». Tous deux ont été supprimés de la même façon, quarante coups de poignard, peu de temps avant de prendre leur service. Quelques jours plus tard, deux autres employés de la toute jeune SNCF sont tués à Arras de la même façon. Le point commun des cheminots : ils sont militants du Front populaire et devaient acheminer des trains « spéciaux » contenant armes et munitions que Léon Blum expédie en catimini aux républicains espagnols.

« Il serait très illusoire d'imaginer que dans le monde des cheminots, l'indifférence constituait la caractéristique majeure. (...) Et il n'était pas nécessaire de faire montre d'une grande perspicacité pour comprendre que quelqu'un, quelque part, était prêt à tout pour empêcher le long convoi d’atteindre Dunkerque (...) Nul ne s'opposa à ce que Léon Sauvé, délégué syndical CGT et organisateur infatigable, prît les choses en mains.(...) Simultanément, des cheminots volontaires, aguerris et surtout discrets, arrivaient de différents endroits. »

Le train se remettra donc en marche et l'affrontement des rouges contre les fascistes autour de ce convoi fantôme saura prendre bien des formes et tenir le lecteur en haleine.

En face d'eux, déterminés, Abel Lherbier, « l 'intellectuel dévoyé à face de rat », Maurice Legendre, la brute épaiss, Silliol « au regard fixe et haineux qui vous glaçait le sang » mené par l'élégant Alessandro Brescia, « sujet italien qui séjournait en France en toute légalité, y possédant une petite usine de conserves à Dieppe ». Une vraie galerie de portraits.

L’enquête, tout est tout d'abord confiée à Emile Desgranchamps,commissaire adulé des médias, « qui avait un instinct très sûr non pour traquer les criminels mais au moins dès lors qu'il s'agissait de sa carrière ». Pendant que celui-ci amuse la galerie et s'accroche à l'hypothèse fantaisiste du crime passionnel, le cabinet de Léon Blum demande au commissaire de la Sûreté nationale, Henri Perlbag, ancien rescapé de Verdun aux convictions socialistes indéfectibles, de découvrir qui sont les salopards, cagoulards ou sbires de Mussolini, qui tentent d'empêcher les trains spéciaux d'atteindre leur destination. Le gentleman solitaire, désabusé, handicapé par ses anciennes blessures, justicier défenseur du bien n’a qu’une petite Citroën et de faibles moyens pour déjouer ce redoutable complot des forces du mal contre la France. Bien évidemment, l'affaire sera compliquée par des traîtres car les factieux ont des complices dans la maison Poulaga, mais notre héros, pauvre vieux flic solitaire, antifasciste ardent, honnête et sentimental à ses heures saura être le sauveur tant espéré. En prime, pour la romance, sa route croisera la belle et troublante Viviane Gregh, l'âme sœur qu'il n'espérait même plus. « Il eut un pressentiment. Oui, on aurait la guerre. Une guerre d'une violence et d'une barbarie inouïes. Et Viviane serait son seul port d'attache, son phare dans la tempête. »

Tu ressembles à ma mort est un grand polar sentimental et plein d’humour sur l’engagement politique, les valeurs républicaines et la justice sociale.

L'auteur s'amuse, improvise, ne recule devant rien pour faire sourire et captiver son public. On pourrait discuter par moment de l'exactitude historique du roman, mais qu'importe. Fajardie sait nous faire croire à ce qu'il raconte, nous faire frémir. Son commissaire Perlbag, généreux et bougon, pacifiste mais rompu aux combats, se lançant au secours de ceux dont il soutient les idées avec sa classe désuète, son ardeur et ses faiblesses, sait nous émouvoir. Il est habité de l’intérieur et appartient comme un frère à la famille des redresseurs de torts qui hantent tous les romans de ce talentueux et infatigable raconteur d'histoires.

« Si l'on voulait transformer en BD Tu ressembles à ma mort, c'est à Tardi qu'il faudrait s'adresser. Son esthétique collerait parfaitement à ce polar Front popu, écrit à la demande des cheminots du Nord-Pas-de-Calais pour célébrer les 70 ans de la SNCF. »

Un roman de gare humaniste, intelligent, engagé et naïf qui a, ma foi, bien du charme.

Dominique Baillon-Lalande 
(22/08/07)    



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Noir & polar










Editions des Equateurs

220 pages - 17 €






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