Hans FALLADA, Seul dans Berlin



Il y a les livres que l’on lit et que l’on range dans sa bibliothèque. Et puis, il y a ceux que l’on a envie de faire connaître autour de soi, car ce qu’ils racontent dépasse le cadre douillet de la littérature. Seul dans Berlin, de Hans Fallada, fait partie de ceux-là. Ecrit en 1947, l’année de la mort de l’auteur, mais publié seulement en 1967, Seul dans Berlin évoque la vie d’un immeuble berlinois dans les années quarante, un peu à la manière d’Alfred Döblin dans Berlin Alexanderplatz.

On y croise les Persicke, triste famille dont le vieux père alcoolique est persécuté par son jeune fils entré dans la S.S. ; Madame Rosenthal, dont le mari a été déporté et qui ne tardera pas à mettre fin à ses jours ; Kluge et Borkhausen, tristes sires, moitié voleurs moitié mouchards, bientôt broyés par un système auquel ils ont pourtant contribué ; et surtout les Quangel, un couple de prolétaires que rien ne prédispose à la résistance antinazie, si ce n’est un ressentiment farouche à l’égard d’un régime qui a envoyé leur fils se faire tuer sur le front.

Les Quangel vont résister à leur façon : en diffusant à travers la ville des cartes et des lettres anonymes dénonçant la barbarie du Reich, action dérisoire, naïve, et qui leur vaudra d’être condamnés à mort au terme d’un procès inique où la terreur glacée le dispute à la farce ubuesque.

Chronique sociale, Seul dans Berlin est aussi une formidable réflexion sur l’expérience de la liberté vécue comme une transfiguration jusque dans la mort. L’écriture, volontairement dépouillée, dénuée de tout pathos, est rudement efficace. Un roman ? Plutôt un livre. Un témoignage écrit à la troisième personne. «  Un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie », écrivait Primo Lévi.

A recommander chaudement aux anti-fascistes de salon et à tous ceux qui, n’ayant que le dernier Houellebecq comme livre de chevet, désespèrent de l’Homme, quand ce n’est pas de leur propre nombril !

Pascal Hérault 



Retour
Sommaire
Lectures









Traduit de l'allemand
par A. Vanevoorde
et A. Virelle

Folio, 2004
560 pages
7,50 €