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Tristan FELIX - Philippe BLONDEAU

Coup double


En quatrième de couverture, l’éditeur nous explique : « Corps Puce souhaite développer les collaborations avec les acteurs de la poésie sous toutes ses formes et la liaison entre l’édition de recueils et une revue nous est apparue tout à fait pertinente. Ce recueil est donc le fruit d’une carte blanche donnée à l’équipe éditoriale de la revue. Elle aurait pu s’appeler "Diablerie" ou "Passe Passe". Elle aura trouvé son équilibre sous la forme que voici. »

Tout d’abord, Tristan Félix et Philippe Blondeau sont deux écrivains qui ne me sont pas inconnus, et le tandem fondateur de la revue de création La Passe. Ils nous présentent ce recueil de la manière suivante : En sept chapitres, ce livre raconte l’aventure d’une écriture commune entre 2005 et 2008. Adaptations, confrontations, improvisations, traductions en constituent les principaux épisodes. Précisons qu’il ne s’agit pas, pour deux auteurs, de se mesurer l’un à l’autre à travers un jeu de contraintes, mais bien de faire œuvre commune et singulière. Chacune des deux poésies se révèle en l’autre ; elle s’abandonne pour renaître de l’étrangeté. Des extraits de la plupart de ces textes ont paru précédemment dans la revue La Passe, à laquelle nous avons donné pour objectif de faire découvrir et partager ces formes d’écritures.

Il y a réelle communauté d’écriture en ce recueil où, parfois, on s’étonne que cela donne un poème où les deux écritures s’épousent, pour cheminer vers un ailleurs inattendu. Je vous donne deux exemples. Le premier est une traduction d’un poème écrit par l’un que l’autre traduit en sa propre écriture :

Peintre

le peintre
à chaque toile rend une dépouille
sa colère
en secret déchiquète le modèle
il ne se peut qu’avide suceur
de l’autre sous l’épingle

il peindra ce soir avec ses cheveux
gras et son sexe en bataille
la bouche convulsée contre la toile

son pleur aura la saveur
de l’ellébore au creux sans fond
des bras de l’aimée

30 août 2008


La traduction :

C’est à sa haine des formes justes que le peintre sacrifie son modèle ; il dit : « la peinture, c’est du sang ; dessiner, c’est déchirer ». Son pinceau, c’est son corps, qu’il jette au bout du compte dans le cadre des draps.
Quant à aimer, c’est de rage ou à regret, comme on se noie enfin dans le poison du sommeil ou des brumes.

26 septembre 2008



Le deuxième exemple est un poème qui s’écrit en quelque sorte à deux, comme un essai de traduction unilingue à l’infini…

Dans la carlingue de l’avion,
un maître chien rythme d’un pied rageur
les vibrations de la tôle déchirée.
« Ce n’est qu’un au revoir
mes frères »,
chantent à tue-tête les passagers ivres.
Et un ricanement communicatif
derrière le hublot
multiplie leurs grosses faces de légumes.
Bardé d’explosifs
un fils de Dieu
jaillit en cachette ;
sur le sol de la soute
n’écoutant que son cœur
il se fera loque de chair.
À l’horizon maintenant l’appareil
tout luisant de lumière
regarde le levant.
Le pilote d’une main sûre
incline la trajectoire.
Une détonation :
l’habitacle s’enflamme
Les gorges s’étranglent ;
l’une plus haute
hurle en butte
à cent bouches vindicatives
Les vitres crèvent
sous la poussée délirante
du néant dans l’avion.

octobre 2006


Il y a de réelles surprises à découvrir dans ce travail à deux qui fait ce recueil. Le fait que les deux écrivains aient une écriture bien affirmée y est pour quelque chose car il n’est pas évident que ce genre de travail soit compatible avec une œuvre. Ici c’est pourtant le cas. On peut y trouver son plaisir à lire ces travaux qui fonctionnent bien et sont de belles réalisations. Je vous invite à y promener votre regard de lecteur, vous y trouverez votre place de lecteur et goûterez ces poésies. À noter que les photographies qui accompagnent les œuvres sont de Tristan Félix.

Gilbert Desmée 
(10/08/09)    



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Poésie









Editions Corps Puce
Liberté sur Parole
112 pages - 11 €


Editions Corps Puce
27 rue d’Antibes
80090 Amiens