Jean FOUCAULT

Charlotte, Mona Lisa et les autres

Zoopatatologie
(Impressions animales)

La pomme de terre géographe


Voici trois recueils de Jean Foucault dont le sujet de départ est la pomme de terre. Ce poète n’est certes pas le premier à se pencher sur cette convolvulacée comestible, il y eut d’illustres prédécesseurs : Pablo Neruda, Seamus Heaney, Gully Illès et Francis Ponge. Si ces trois livres sortent maintenant, c’est que nous sommes en l’année internationale de la pomme de terre proclamée en 2008 par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Donc trois recueils dans la même collection, du même poète, et pourtant trois recueils différents par leur angle d’attaque du sujet.

Charlotte, Mona Lisa et les autres, sous-titré : (Galerie de portraits), nous entraîne dans un imaginaire de l’humain traçant sa vision mouvante de la même pomme de terre comme dans un journal de bord. Le poète nous prévient que ces textes sont un extrait du journal de bord de mes rencontres quotidiennes à fleur de peau d’une pomme de terre d’octobre 1997 à décembre 2003 remanié en 2007. L’ensemble des textes est accompagné de surprenantes photos de Jean-Louis Gonterre. Pour vous donner une idée de la manière de travailler de Jean Foucault, voici un extrait d’un texte qu’il nomme intermède :

J’écris en la prenant en main. Jamais un texte sans la main qui parcourt la peau à un moment donné. L’écrit vient de ce rapport physique avec la pomme de terre. Alors on s’use, évidemment, elle et moi.

Lorsque je n’aurai plus de plaisir à la caresser, l’écriture cessera. Mon rapport à la pomme de terre est de caresse et de regard.
C’est cela qui fait mijoter en soi quelque chose.
Je suis dans ce que je vois ? On m’entraîne mais je puis refuser.

Je croyais voir une femme à ressentir l’ondulation.
Mais elle s’est échappée.
Je n’ai pas saisi le vif,
trop réfléchi.

Plonger, il faut plonger.
C’est cela !
Et toujours, toujours recommencer.


C’est ainsi que jean Foucault, pendant cinq ans, vécut avec une pomme de terre. Cela nous donne des voyages étonnants, où l’imaginaire, grandement ouvert, nous propulse de personnages en personnages, qu’on en oublie le sujet qui est à l’origine de l’écrit. On l’oublierait totalement, s’il ne nous était pas rappelé, au détour d’une page. Ce recueil vaut vraiment le détour de lecture pour cette façon de nous emmener loin.

Zoopatatologie (Impressions animales) nous dit : Un Moi-animal en chair de pensée. Voici donc de nouveaux extraits de son journal de bord écrit face à une pomme de terre. Toute une série d’animaux défilent, devant nos yeux ébahis, au fil des pages, fixant un monde réinventé, en le nommant. Nous allons de surprise en surprise à la grande joie de notre imaginaire. Intrigué parfois, on souhaiterait se trouver face à la pomme de terre pour voir si nous voyons la même chose. Probablement non, tant l’imaginaire de chacun peut varier en rapport à un autre. Alors, nous nous laissons aller à voguer avec l’imaginaire de Jean Foucault mâtiné de celui du lecteur, et cela fonctionne, nous entraîne à ne pas s’arrêter. Nous cherchons à savoir quelle nouvelle bête va ouvrir le prochain poème.

Le criquet pèlerin
a deux grands « yeux »
juste au-dessous des antennes

Il me regarde,
mais ce regard
est-il compassion
au souvenir anticipé
de ce qu’il va me faire,
est-il appel à la réflexion
avant que je décide
de ce que je vais lui faire ?
...

Nous pouvons y entendre, soit un certain amusement du poète et même, de temps en temps comme une forme d’humour.

La pomme de terre géographe nous montre que le poète Jean Foucault possède un univers au fond des yeux. Nous voyageons dans l’espace et le temps, comme si les yeux du poète avaient chaussé des lunettes de sept lieues. Mais pour vous donner à lire, prenons le poème : Dans le réel du mot « mirage » :

Des remparts se signalent au loin,
sur la ligne des mirages.

Quand on approche, le mirage se transforme,
la ville n’est plus que pierre abrupte et sans vie
On vient y buter brutalement.

Elle est bien finie l’époque où les mirages duraient la vie de l’impatient
de vrais mirages.
Confirmés par le soleil.

Finie l’époque où il fallut inventer le mot.

Pourtant on sait maintenant les créer artificiellement.
Tous les voyageurs de l’impossible s’en plaignent.
Plus aucun échange n’a d’importance.

Chacun peut devenir un mirage immortel,
Ce qui est le contraire de la gloire.

La gloire n’est possible qu’au milieu de la petite mortalité
Même l’infantile ferait l’affaire
Pourvu qu’il reste des parents,
Pour applaudir.

Dans tout voyage vient le moment où il prend fin. Une sensation bizarre se fait jour. Une forte envie de ne pas revenir. C’est ce que ce recueil provoque. Alors, on y retourne, grappillant au hasard un poème, histoire de continuer le voyage.

De ces trois recueils, notons que si le point de départ est une pomme de terre, Jean Foucault nous dit à partir d’elle, bien d’autres choses importantes entrevues en la regardant, la caressant. C’est en cela qu’il nous entraîne au-delà de cette pomme de terre, toujours changeante, jamais statique à celui qui la regarde chaque jour.

Gilbert Desmée 
(08/08//08)    



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Poésie




































Editions Corps Puce
Collection
Liberté sur parole

60 pages - 8 €


Editions Corps Puce
27 rue d’Antibes
80090 Amiens



Pour visiter le site
de Jean Foucault :
www.jean-foucault.fr