Anne HOUDY

La Terre vaut deux Lunes



Une composition littéraire comme une partition musicale, voilà ce que nous découvrons avec La Terre vaut deux lunes, fruit d’une résidence à Néons-sur-Creuse.
La narratrice se trouve dans la Brenne avec sa fille.
Face aux paysages, lui vient une mélodie des mots pour exprimer son ressenti dans cette région qu’elle découvre. « La musique est une ouverture sur le monde, sur le ciel, sur la nuit, sur la vie, sur la mort, l’arbre, l’herbe, l’oiseau… Pour ouvrir la musique, il faut ouvrir l’oreille. Pour comprendre le monde et se mettre à l’unisson, il faut d’abord l’ouvrir. La clef de sol ouvre la Fugue en la mineur, BWV 904, de Bach. »
Nous découvrons les techniques musicales : « Sur une partition, le mouvement est indiqué au commencement du morceau, au-dessus de la portée. Le temps en musique est une division de la mesure servant à régler le rythme. En début de portée, la clef indique l’intonation et la position des notes sur la portée. »

Les mots sont déposés comme des notes d’amour sur une partition de la tendresse. La narratrice parle de Jeanne, une vieille dame qui attend la mort : « Le bon Dieu ne veut pas de moi, dit-elle, sinon il y a longtemps que je serais partie. J’attends. J’attends seulement qu’il m’appelle. Le matin sonne l’angélus, on m’habille, et le soir quand les cloches sonnent sept heures, on me déshabille. Je ramasse mes prospectus, catalogues, journaux. Voilà. Maintenant je vais dîner. Non… non, je ne m’ennuie jamais, j’ai mon jardin à regarder, j’ai les marronniers devant moi, alors pourquoi je m’ennuierais… »

Les mots jouent et la narratrice joue avec les mots :
« Cette penderie est une cachette pour Claire. Elle s’y réfugie, s’y enferme pour lire ou méditer, personne ne la trouve.
- Pour ne pas perdre son temps, il faut savoir le ranger au bon endroit. »

Puis nous découvrons Raoul qui a perdu toute sa famille à la guerre : « J’ai dit qu’en musique le marasme n’existait pas. C’est vrai. Le marasme n’existe que chez Raoul. Chez Raoul, la musique c’est difficile. Je me demande combien Bach a connu de Polonaises pour composer les Six Concertos Brandebourgeois. Ce n’est pas un concerto mais une Polonaise bien en chair qu’il faut que je présente à Raoul. »

Les personnes que nous croisons sont toujours présentées avec beaucoup de respect. L’humour est aussi présent.
Les termes utilisés en musique, l’altération, l’accord, le point, le silence, le mouvement…, le sont pour définir la musicalité de la vie, ses plaisirs doux et tendres, ses malheurs et ses drames. La terre, la nature, le village, la maison, lieux d’ancrage pour ses habitants révèlent les émotions au rythme de la lecture.
C’est un livre dont on citerait facilement beaucoup d’extraits, le mieux est de le lire pour se laisser porter par cette fugue superbement jouée.

Brigitte Aubonnet 
(22/08/07)    



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Le bruit des autres
136 pages - 13 €




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