Après ce prologue, les chapitres font alterner les points de vue d'Olivier et de Gilles, chacun devenant narrateur à son tour de cette histoire qui dure plusieurs mois.

Olivier, 27 ans, professeur de lettres, est totalement phagocyté par sa mère qui ne cesse de multiplier les crises en tous genres pour tenter d'attirer son attention, sa compassion et sa présence comme elle l'a toujours fait au cours de sa vie, pourrissant l'existence de son fils depuis sa plus tendre enfance.
Olivier est aussi écrivain et il se trouve qu'un de ses livres vient de paraître au moment où commence cette histoire, un roman que les lecteurs fidèles de Sylvie Huguet reconnaîtront, Le démon aux digitales paru chez le même éditeur en 2005, une intrigue sombre et belle qui n'est pas sans rapport avec celle d'aujourd'hui…

Gilles est le commissaire chargé d'enquêter sur les quatre meurtres de femmes jusqu'alors inexpliqués.

Les routes de ces deux-là n'auraient pas dû se croiser mais il s'avère que la cinquième victime du tueur en série est… la mère d'Olivier !

Le commissaire, toujours accompagné par son chien Othello, est intrigué et attiré par la personnalité d'Olivier. Beaucoup de choses les rapprochent. Ils ont fait des études classiques tous les deux, aiment les chiens tous les deux (Olivier n'a jamais pu en avoir à cause de sa mère) et ont une vie amoureuse en pointillés, Olivier par goût de l'indépendance et Gilles depuis son divorce.

Ils vont donc prendre plaisir à se rencontrer pour parler, promener Othello et évoquer bien entendu les relations entre Olivier et sa mère qui reste avant tout pour Gilles la dernière victime du tueur.

– Vous étiez très proche de votre mère ?
– Je ne la voyais pas très souvent, mais nous nous téléphonions beaucoup.
– Tous les jours ?
– Presque tous les jours, oui.
– Pourtant vous étiez sans nouvelles depuis samedi et vous ne l'avez pas appelée.
Ses traits se crispèrent, tandis qu'il tardait à répondre. Je crois qu'il s'efforçait de composer sa voix.
– C'est vrai, dit-il enfin. Nous nous étions disputés la dernière fois.
– Pouvez-vous me préciser la date de cette dispute ?
– Jeudi dernier.

Une question hante le lecteur amateur de romans policiers au fil des échanges à fleurets mouchetés entre les deux narrateurs : Olivier est-il le serial killer ? Mais les alibis et les témoignages vont vite prouver le contraire et l'auteur à l'imagination diabolique nous réserve des rebondissements bien plus étonnants.

Ce roman est un grand bonheur de lecture par ce mélange de complicité et de méfiance, d'attirance et de soupçon, qui nourrit la relation étrange construite entre ces deux hommes. Les démêlés d'Olivier avec sa mère font pendant à ceux de Gilles avec son fils, un adolescent qui déteste tout ce qu'aime son père. Ils s'épanchent et se consolent mutuellement tout en se demandant ce que pense vraiment l'autre et quelle est la véritable raison de ces conversations et de ces promenades. Un livre qui se dévore avec plaisir et qu'on est tenté de reprendre au début lorsqu'on arrive à la dernière page. Mais peut-être un jour y aura-t-il une suite…

Serge Cabrol 
(17/08/11)