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Nancy HUSTON

Infrarouge


Que reflètent les photos ? L’extérieur ou l’intérieur des êtres ? Comment photographier ?
« Je me sers de ma caméra pour me glisser sous la peau des gens. Faire ressortir les veines, le sang chaud, la vie qui court en chacun de nous. Révéler leur aura invisible, les traces qu'à laissées leur passé sur leur visage, leurs mains, leur corps. Explorer, dans les paysages ruraux ou urbains, le détail hallucinant des ombres. Transformer le fond en forme et la forme en fond. Mettre l’immobile en mouvement comme ne saurait le faire aucun film. Montrer les instants de vie qui s'entrechoquent et s'interpellent. Établir des liens entre passé et présent, ici et là-bas, jeunes et vieux, vivants et morts. Capter l’instabilité fondamentale de notre être. »

A travers le zoom de l’écriture, Nancy Huston nous entraîne sur les pas de Rena une photographe renommée qui emmène, à Florence, pour une semaine de vacances Simon, son père de soixante-dix ans, et Ingrid, sa belle-mère. Elle quitte son ami Aziz, angoissée à l’idée de ce voyage.

Dans le dédale des rues florentines, devant les œuvres picturales, les visites de musées et d’églises nous suivons le trio, le regard de Rena sur son père vieillissant, sur ce qu’il était en tant que neuropsychiatre et sur ce qu’il devient. Le passé s’insinue et les souvenirs refluent au fil des jours. Le double de Rena, Subra – amie imaginaire que Rena s’est inventée depuis longtemps avec qui elle dialogue – lui pose des questions pour que Rena nous parle de sa découverte de la sexualité, de la vie avec ses différents amants, de son rapport à ses parents et à ses fils, de son travail, de ce qui la relie à Aziz, bouleversé par la révolte des banlieues de 2005 qu’il vit au profond de son être, de la mère de Simon dépressive quand elle a appris la mort de sa famille dans les camps nazis, du rapport des hommes avec leur sexe : « ça leur fait mal, aux hommes, pourtant maîtres du monde, de ne pouvoir maîtriser une partie si cruciale de leur anatomie ; ça les énerve qu'elle puisse se mettre au garde-à-vous alors qu’ils ne lui ont rien demandé, ou refuser d'esquisser le moindre mouvement quand ils en ont le plus urgemment besoin. D'où leur tendance à se cramponner aux choses qui demeurent rigides de façon fiable : fusils-mitrailleurs, médailles, attaché-cases, honneurs, doctrines. Ils n’aiment pas sentir leur chair télécommandée par la chair féminine, ça leur fait peur, leur peur les met en colère, et les effets de cette colère sont partout palpables. Incapables de contrôler leur propre corps, ils contrôlent celui des femmes en le déclarant tabou... »

Aziz lui demande de revenir de toute urgence pour photographier les évènements qui ont lieu en France. Il insiste mais elle ne peut pas puisqu’elle se sent responsable de ce voyage qu’elle avait promis à son père. Elle ne peut le laisser seul en Italie avec sa belle-mère. Ils partent donc sur les routes de Toscane pendant que la banlieue s’enflamme. Le présent est entrecoupé de retours sur le passé qui expliquent le fonctionnement de chacun des personnages. Les relations entre eux, notamment père-fille, n’ont jamais été simples.
Les problèmes de société, les évènements historiques, les parcours personnels, les réussites, les échecs, les doutes, les questionnements, la relation du passé et du présent sont évoqués au fil des pages tout en nous passionnant dans l’attente de la révélation des secrets.
Un très beau roman riche de ses multiples pistes.

Brigitte Aubonnet 
(17/08/10)    



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Editions Actes Sud

320 pages - 21,80 €









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