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Yasmina KHADRA


L'équation africaine


Un médecin allemand, Kurt Krausmann, très amoureux de sa femme, la découvre morte dans leur salle de bains. Elle s'est suicidée. Il ne comprend pas ce qui s'est passé et ce dramatique évènement va dérégler brutalement sa routine quotidienne. Depuis quelque temps, il sentait bien qu'elle était distance. Ils n'arrivaient plus à échanger alors qu'ils étaient fusionnels depuis leur mariage, dix ans auparavant. Un mystère pour lui, ce qui l'empêche d'assumer sa disparition. L'une de ses collègues et amie lèvera le voile sur la cause de ce suicide.

Face à son désespoir, Hans Makkenroth, un ami de Kurt, qui lui aussi a perdu sa femme, lui propose de partir en bateau pour une mission humanitaire en Afrique.
La vie des deux amis bascule de nouveau complètement car le bateau est accosté par des pirates au large de la Somalie. Ils sont pris en otages et vont assister à un acte terrible. Ce n'est que le début de l'horreur.

Le thème du livre est dur mais l'écriture et la construction du roman nous associent tellement aux différents personnages et à ce qu'ils vivent que nous sommes tenus en haleine et nous partageons l'angoisse de savoir ce qu'il va leur arriver. Ils sont dans le désert confrontés aux preneurs d'otages. Un univers rude dépeint avec toutes ses ambiguïtés.

Le deuil, l'enfermement, l'attente, la violence, la haine, la misère, l'absurdité des situations, les différentes approches d'un évènement, d'un personnage, d'un continent sont abordés avec beaucoup de profondeur et de finesse.
Nous découvrons aussi l'Afrique pillée, utilisée, polluée, et ses habitants confrontés à des situations dramatiques. Les preneurs d'otage détestent ces blancs qui se croient tout permis et peu à peu nous apprenons aussi qui ils sont :
"– Y avait rien, chez moi. J'étais comme un vieux rafiot dans un port désaffecté. Je prenais l'eau en attendant un acquéreur. Sauf que tout le monde crevait la dalle, dans les parages. On n'avait même pas de quoi s'offrir une corde pour se pendre. J'en ai eu marre de prendre l'eau. Au bout d'un moment, je me suis dit, couler pour couler, autant couler au large. Au moins, personne ne le verrait. Alors, j'ai levé l'ancre et mis les voiles."

Kurt va rencontrer Bruno qui est aussi otage mais vit en Afrique depuis très longtemps et en sait beaucoup sur ce continent et ses habitants. Kurt et Bruno vont s'affronter sur leurs perceptions de l'Afrique.
Kurt revisite sa vie, son enfance et passe d'un sentiment à un autre tout en cherchant à tenir le coup.

Un roman magnifique qui fait réfléchir sur le rôle de chacun, sur ce que peuvent être les actions humanitaires, sur la pauvreté, les massacres, l'exode et l'espoir qui naît au cœur du malheur. C'est aussi une approche romanesque superbe pour montrer où se situe l'essentiel. Nous remontons dans les vies, pour comprendre mieux, même si tout acte n'est pas pardonnable,
Comment rebondir dans la vie après un deuil, un traumatisme, un malheur ? Comment re-naître à soi-même ? Comment se situer soi avec soi, soi avec les autres ? Comment changer ses certitudes ? Comment l'amour peut apparaître alors qu'on n'y croit plus et qu'on est perdu dans sa vie ? Comment se reconstruire ?
Jusqu'au bout du roman nous sommes emportés par ces différents questionnements sans une minute d'ennui. La narration est parfaite.

Brigitte Aubonnet 
(12/09/11)    



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Editions Julliard
336 pages – 20 €




Photo © flitesd / www.flickr.com
Yasmina Khadra
est un romancier algérien de langue française. Son œuvre est traduite dans une quarantaine de pays.




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