Abbas KIAROSTAMI

Un loup aux aguets


Abbas Kiarostami est un cinéaste, photographe et poète né à Téhéran. Depuis les années 1990, il est reconnu comme l’une des grandes figures du cinéma contemporain. Ses poésies sont traduites en plusieurs langues, dont l’anglais, l’italien et le chinois. Ici, nous sommes en présence d’une traduction en français à partir de poèmes en persan réalisée par Jean-Claude Carrière et Nahal Tajadod.

Un loup aux aguets est un recueil de petits poèmes qui tels des haïkus sont d’une écriture qui cisèle l’image présentée. Nous sommes là en présence du regard perçant d’un loup aux aguets (pour paraphraser le titre). La ciselure est telle que notre lecture s’arrête à chaque poème pour prendre le temps d’en approcher la profondeur. C’est intense comme la longue attente d’une acuité de regard.
     [72]
Comme il est difficile
De regarder la pleine lune
Seul

Nous naviguons entre l’éphémère et ce qui demeure, le fugace et le permanant :
     [60]
Un ruisseau qui coule
Un arbre clôturé
Ou encore :
     [96]
Comme il est facile de gagner
Et perdre
Combien difficile !

Au travers de la succession des poèmes, nous réalisons que ce voyage est, en fait, un voyage en nous-mêmes, au plus intime de nous :

     [256]
En fin de compte
Il ne reste que moi et moi
Moi souffre de moi
Et personne
Pour se mettre entre nous

Ou encore celui-ci que j’apprécie beaucoup :

     [231]
J’ai peur de la hauteur
Je suis tombé d’en haut
J’ai peur du feu
Je me suis souvent brûlé
J’ai peur de la séparation
J’ai été souvent blessé
Je n’ai pas peur de la mort
Je ne suis jamais mort
Même pas une fois

Je pourrais vous en citer tant et plus, le mieux est encore de lire ce recueil si prenant qui nous fait passer d’évènements très fugaces à des pensées profondes. On prend un réel plaisir à lire ces poèmes, nous pouvons remercier les deux traducteurs de nous permettre d’aborder cette poésie. C’est un ensemble cohérent qui traduit ce que l’être tire de ce qu’il voit, de ce qu’il ressent, de ce qu’il pense. Le livre refermé, il nous reste en tête certains des poèmes lus.

Gilbert Desmée 
(07/11/08)    



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Poésie









La Table Ronde

106 pages - 15 €


Traduit du persan
par
Nahal Tajadod
et
Jean-Claude Carrière