Le thème du double a longtemps nourri la littérature, donnant lieu à nombre de textes romantiques, fantastiques… Qui n’a pas été un jour interpellé par eux ou ne s’est pas un jour penché sur cette question ? Est-ce cette part obscure que nous portons tous en nous et qui nous talonne comme notre ombre, aussi omniprésente qu’insaisissable ? Voilà le tourment planté au cœur d’un jardin que le poète rêvait de cultiver paisiblement… En vain… Au moment où il devine que le double est ce qui fait sa richesse, il s’esquive, abandonnant le poète. Comme une âme en peine je me sens moins utile qu’une pelure d’oignon L’aridité me gagne Ma voix intérieure n’est plus qu’un gargouillis Le poète sait que l’unicité serait enfermement, appauvrissement. Écriture et poésie dépendent-elles donc si étroitement de ces jeux de miroirs et de ces tiraillements entre le poète et son double ? Lui faut-il l’agacement ou plus simplement l’étonnement de celui qui le défie et le nargue pour entrouvrir les portes du monde, le dédoubler lui aussi par l’écriture ? Qui ne serait pas ainsi tiraillé serait-il donc voué à une tranquille et stérile unicité ? Toujours est-il qu’il retrouve les traces de son double jusque dans les annotations portées sur ses manuscrits. Même sa musique traque l’oreille intérieure du poète, telle un succédané de muse… Abdellatif Laâbi explore les modalités du double avec une lucidité teintée d’humour, d’ironie qui traverse tout le recueil avec beaucoup de force. Dans son épilogue, il reconnaît à son double des vertus décapantes / et quelque perspicacité. Nous les reconnaîtrons sans aucun doute au poète autant qu’à ce double dont il dit qu’il l’a malmené. Cécile Oumhani |
sommaire Poésie La Différence 96 pages - 12 € Site de l'auteur : www.laabi.net |
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