Marie-Hélène LAFON, Organes



Treize nouvelles très courtes et intenses où le corps, la chaleur, les odeurs, les sensations, les femmes et les hommes se côtoient.

« C'est le défaut de sa grand-mère, maternelle, sa faiblesse, le parfum, elle n'a pas de parfum, elle a une odeur. Elle sent la salaison, la salaison de qualité, certes, ce qui est une excellente odeur pour les salaisons de pays, fermières, cent pour cent pur porc, mais pas pour les gens. Surtout pas pour les femmes. L'odeur de la salaison est dans sa peau, depuis tout le temps qu'elle trône en boutique. Avec les salaisons. L'odeur est en elle, elle ne la sent pas, elle ne se sent pas, elle est propre, son hygiène corporelle est extrême ses vêtements irréprochables. Il n'aime pas embrasser sa grand-mère, il n'aime pas quand elle l'embrasse, il ferme les yeux, il reste distant, il ne s'abandonne pas, il ne peut pas, il a l'impression d'être le petit-fils unique d'un saucisson sec et géant qui l'étreindrait avec affection. »

Dans l’univers de la terre, de la province campagnarde, Marie-Hélène Lafon nous révèle le quotidien avec un zoom qui lui est propre. Pas de superflu, les mots essentiels pour dire l’essentiel de ce qui ne se voit pas quand on le vit, de ce qui ne se dit pas quand l’on se côtoie tous les jours.

Le corps est caché, couvert d’une aube de communiante, d’une robe de mariée ou engoncé dans un corset : « Le corset est trop rose, trop humain, trop à vif, il a l’air de crier dans son désordre. Je n’identifie ni dos ni devant, pas de bretelles réglables, aucune place douillette ménagée pour la poitrine de la créature qui porte le corset, je comprends que le corset tient sur le corps par la seule pression des crochets luisants. Le corset tient au corps, comme ça, la chair le remplit, et il la maintient, par la force, au bord de l’éclatement. Je pense aux boyaux bien tendus des saucisses et des boudins alignés sur la table de la cuisine tandis que les femmes de ma famille suent et s’affairent dans la viande les jours où le cochon est tué. »

Au café, au pensionnat, à la maison devant la télé pour regarder le Tour de France ou face à un café en attendant les hommes, les émotions de ces instants de vie disent les êtres au plus profond de ce qu’ils sont, au plus profond de leurs organes. A la campagne tout est fait pour ne rien dévoiler de l’intime mais Marie-Hélène Lafon agit comme une radiographie.

De la force mêlée de sensualité au fil de ces nouvelles qui nous enchantent et nous étonnent.

Brigitte Aubonnet 



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Editions Buchet Chastel
134 pages, 12 €



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