Marie-Hélène LAFON

Les derniers Indiens



Un homme, une femme, une maison. Un lieu dans la région de Clermont-Ferrand. Une ferme où vivent deux êtres qui finissent leur vie, un frère et une sœur, Jean et Marie. Un bilan de ce qu’ils ont été, de ce qu’ils ont vécu. Une vie qui n’en est peut-être plus une mais qui sans doute n’en a jamais été une vraiment. Un semblant de vie. Ils ont toujours vécu là, avec leurs parents quand ils étaient enfants puis avec la mère quand le père est mort puis sans la mère. Ils sont seuls mais la mère, ce qu’elle disait, ce qu’elle pensait, imprègne toujours l’air qu’ils respirent, les meubles, le linge de maison. Ils ne vivent pas. Ils observent. Regarder, juger, critiquer leurs voisins qui sont en face occupent leurs journées. Les voisins sont vivants, actifs. Ils dévorent la vie, ils ont des projets. Ils sont nombreux. Ils se marient. Ils ont des enfants. Ils font la fête.

Marie se souvient du pensionnat, du facteur, des courses au camion qui passe dans les campagnes, des enterrements, de son frère Pierre, le préféré de sa mère, qui est mort à la ferme : Elle s'était levée, avait entrebâillé la porte ; la mère dormait, raide droite contre le dossier vert du fauteuil, la bouche lâchée. Les yeux de Pierre l'avaient vue, elle, ils l'avaient prise, s'étaient accrochés à elle, debout, là. Elle était restée, dressée dans sa puissance de vivante verticale. Ils avaient écouté l'air qui ne finissait pas. Elle ne s'était pas avancée dans la pièce, la mère se serait réveillée, ils n'auraient plus été ensemble. La musique des voisins avait été le dernier bruit du monde que Pierre avait entendu. Elle aimait cette heure de l'accordéon dans le creux des dimanches. Dans sa jeunesse elle avait pensé parfois que, sans la mère, le père, Pierre, Jean, et elle, auraient pu s'accommoder avec les voisins, mais la mère empêchait tout. Plus tard elle avait changé d'avis. [...] Les voisins auraient tout, ils feraient fructifier. Le temps passait pour eux. Elle se sentait à côté d'eux comme un insecte.

Marie se souvient aussi de l’Alice, la fille des voisins, qui a été retrouvée nue et violée dans le bois. Marie-Hélène Lafon sème tout au long du roman les petits cailloux qui mènent à l’issue finale.

L’écriture toujours aussi juste et rude parle de cet univers clos qu’est la vie à la campagne, dans une ferme où le monde peut parvenir grâce aux médias mais où rien ne semble bouger pour certains. Un roman très prenant où les lieux et les objets sont aussi des personnages.

Brigitte Aubonnet 
(04/03/08)   



Retour
Sommaire
Lectures









Editions Buchet Chastel
208 pages - 13,90 €

www.editions-libella.com/
buchet-chastel.asp




Vous pouvez aussi lire sur notre site des articles concernant deux romans du même auteur :
Mo
Organes

et un entretien avec
Mercedes Deambrosis
et Marie-Hélène Lafon