Jean FAILLER

Te souviens-tu de Souliko'o ?
(Mary Lester, volumes 30 et 31)



Mary Lester est sortie très choquée de sa dernière aventure, Le passager de la Toussaint, où une balle lui a entaillé le cuir chevelu, et cela a entraîné deux conséquences.

Tout d’abord, Mary Lester, qui rédigeait elle-même ses aventures depuis le 25e volume, a sollicité à nouveau le concours de Jean Failler.
Pour le trentième récit de ses aventures et mésaventures, Mary Lester m'a instamment prié de reprendre la plume. Je m'étais bien juré de ne plus me mêler de sa vie, mais Mary a été plus éprouvée par son enquête à Brest qu'elle veut bien l'avouer.
Retour donc à la troisième personne. Dommage, on s’était bien habitué à la narration de l’héroïne mais la relation est suffisamment étroite entre l’auteur et la policière pour qu’on ne manque aucune des réflexions ou sensations de la jeune femme et qu’on oublie rapidement le changement de point de vue.
Jean Failler, lui, semble en pleine forme et cette 30e aventure n’occupe pas moins de 550 pages partagées en deux volumes. Quelle santé !

L’autre conséquence de la fin mouvementée de l’enquête précédente, c’est que Mary Lester bénéficie d’un mois de congé. Evidemment, quand on nous annonce au début du premier tome qu’elle part en vacances chez une amie dans un petit village du Finistère Nord, on se doute que le séjour sera moins reposant que prévu. C’est qu’elle a le tempérament de Bayard, notre capitaine sans peur et sans reproche. Ou de Jeanne d’Arc. Enfin de ces héros à la volonté sans faille qui s’investissent dans leur mission au péril de leur vie.

Quand elle arrive à Trébeurnou et se trouve confrontée à un violent escogriffe de deux mètres de haut qui terrorise les habitants avec un tracteur surdimensionné, elle prend immédiatement fait et cause pour les victimes. Il faut dire que le géant s’en prend aussi à elle sans savoir à qui il a affaire. La suite lui prouvera qu’il n’aurait pas dû…

Mais d’abord, qui est-il ce Vanco qui persécute la population, s’approprie toutes les terres et pratique une agriculture intensive à grand renfort de produits chimiques ?

Mary Lester apprend rapidement qu’il se nomme en réalité Julius Van Korkelien, que son frère siège à la commission de l’agriculture à Bruxelles et que, de ce fait, il se trouve protégé « en haut lieu », d’où l’impuissance de la gendarmerie locale. Mary Lester se trouve même convoquée par le préfet pour un remontage de bretelles et le portrait du chef de cabinet de la préfecture n’a rien de flatteur : un godelureau d'une grosse trentaine d'années mais qui s'efforçait, avec un certain succès, à grand renfort de costume bleu marine rembourré aux épaules et de lunettes d'écailles, d'en paraître dix de plus. Il s'agissait d'un certain Frank Gaubert, qui arborait avec componction une suffisance de premier de la classe. Ce n'était pas un rôle de composition, de la maternelle à la sortie de Sciences Po et avant d'entrer à l'ENA, il l'avait été tout au long de sa vie.
Sans oublier une petite flèche parfumée d’humour : Mary pinça les narines. Elle avait l'odorat délicat et ce Gaubert n'avait pas usurpé son titre. C'était un homme de cabinet, ça se sentait. Fortin, dans son pittoresque langage, n'aurait pas manqué de constater : « il a le c...1 au ras des dents, ce mec ! » Pour une fois, la réflexion, bien que formulée en des termes peu diplomatiques, n’eût pas manqué d’à propos. Un jugement radical et sans concession…

Il faut plus qu’un énarque pour freiner le capitaine dans ses élans et elle poursuit son enquête avec une détermination décuplée.

Vanco sévit dans la région depuis quinze ans. Mais avant, où était-il ? Que faisait-il ? Avec l’aide d’Albert Passepoil, le petit génie de l’informatique, Mary apprend qu’il a vécu en Australie. Puisqu’on lui a conseillé de passer ses vacances au bout du monde, elle choisit d’obéir et une partie du deuxième tome se déroule au pays des kangourous.
On y apprend qui est Souliko’o et pourquoi Mary demande à Vanco s'il s'en souvient...

Après tout ça, le grand escogriffe n’a qu’à bien se tenir. L’enquêtrice, de retour à Trébernou, va lui mener la vie dure. Le combat semble inégal entre le puissant géant et la policière en butte aux pressions de sa hiérarchie (deux officiers des Renseignements Généraux se font tailler des costumes du même modèle que celui du chef de cabinet) mais ce serait mal connaître la fougue et l’énergie de Mary Lester. Encore une fois, Goliath ne terrasse pas David…

On sent que Jean Failler prend plaisir à écrire ce roman, réglant peut-être quelques comptes au passage et empruntant à Jules Verne ces petits résumés en tête des chapitres : Où Mary Lester se fait cuisiner par l'adjudant Lucas, lequel se voit expliquer la différence fondamentale entre le présent et le passé composé. / Où Mary a une discussion philosophique sur les mérites respectifs des civilisations aborigènes et occidentales avec un vieux broussard. / Où Mary joue Mozart sur un Steinway et sous la Croix du Sud. / Où les flics des Renseignements Généraux apprennent qu'il n'est pas facile d'avoir la peau de Mary Lester. Et il y a ainsi quarante-quatre chapitres….

Même en deux tomes, la lecture paraît toujours trop courte et on attend déjà le prochain avec impatience et gourmandise.

(Heureusement tous les titres précédents sont encore disponibles !)

Serge Cabrol 
(05/11/07)    



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Noir & polar







Editions du Palémon
Tome 1
250 pages - 8 €




Editions du Palémon
Tome 2
314 pages - 8 €






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