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Frédérique NIOBEY


Trop loin la mer



Rosa arrive dans un Lieu de Vie, quelque part au fond du Périgord, vers Sarlat… Le Lieu de Vie est une structure basée sur le modèle familial. Soit. Mais justement, le modèle familial c'est ce qui pose problème à Rosa.
Ici, l'adolescente est accueillie par Mame et Sid, les éducateurs, et rencontre les autres pensionnaires : un trio de garçons et une fille plus jeune qu'elle, Sister. Tout le monde semble jouer le jeu de la vie de famille.
Combien de temps ça prend pour être comme eux ? Ce midi pour mettre la table, ils étaient tous à fond. Ça riait, ça chahutait. Toni, Rino, Nordi, à l'aise et comme chez eux, se lançaient les verres, hop, attrape. Sister posait les couteaux, les fourchettes, tranquillement de chaque côté des assiettes. Une vraie scène de famille. Idéale. Ils font semblant ou ils y croient ? C'est lourd.

Au fil des pages, on suit Rosa. Des autres, on ne saura rien, ni d'où ils viennent, ni ce qui les a amenés là. Rosa n'en a rien faire, ne pose pas de question et ne répond pas à celles qu'on lui adresse.
Et puis un jour, Rosa rencontre Mona, une fille de son âge qui vit chez ses parents mais supporte mal le train-train de ce trop paisible village.
Une belle rencontre, une grande amitié, des bavardages, des rires…
Sur le chemin elles ramassent des noix qu'elles lancent loin, très loin, le plus loin possible, leurs gestes ont de l'ampleur.
Et elles se mettent à courir. Il fait moins chaud, leurs pas sont au même rythme, leur cœur aussi. Leurs têtes se renversent vers le ciel. Elles se prennent la main, elles courent avec leur main l'une dans l'autre, ça brinquebale à droite, ça tire à gauche mais ça tient, elles se tiennent l'une l'autre pour courir. Un jour, comme ça, elles iront loin.

Mais Rosa n'est pas habituée à aimer, être aimée, entrer dans une relation qui nécessite parfois des compromis, des concessions. Pour elle, la vie n'a rien d'un long fleuve tranquille comme la Dordogne. Il y toujours cette boule au fond d'elle-même, cette rage qui gronde, qui la déborde.
Rosa sent les mots venir de son ventre à sa bouche. Ils montent et l'envahissent. Il va bien falloir qu'ils sortent. Qu'ils jaillissent. Avec ce goût de dégoût au passage Comme quand on vomit.

Après la vie de misère avec sa mère et sa sœur, après les fugues à répétition pour revoir son père qui a "refait" sa vie, voilà maintenant le Lieu de Vie et Mona. Comment gérer tout ça ? Quel avenir à partir de tout ça ? Une autre fugue, une autre fuite ? Pour aller où ? Pour faire quoi ?

Frédérique Niobey nous offre un très beau texte, rapide, efficace, tendre et violent à la fois, qui se lit d'une traite et qui amènera tous les ados à s'interroger sur cette drôle de fille, sur ce qui lui passe par la tête… et donc à s'interroger aussi sur eux-mêmes. Comment apprend-on à aimer quand on ne l'a pas été ? Comment s'intéresser à l'autre quand on a toujours entendu qu'on est "rien" ?
C'est qui celle-là, tu la connais ? Oui, elle répond, c'est rien.
C'est rien.
Est-ce qu'on ne tue pas pour des mots pareils ?

Serge Cabrol 
(18/12/11)    



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Jeunesse








Editions du Rouergue

doAdo
à partir de 13 ans
137 pages - 10 €






Frédérique Niobey,

née en 1961, a quitté l'enseignement pour se consacrer à l'écriture. Elle anime des ateliers auprès de différents publics : adolescents en IME, adultes en hôpital psychiatrique, personnes en difficultés avec la lecture et l'écriture… Trop loin la mer est son cinquième livre publié au Rouergue.



Bio-bibliographie de
Frédérique Niobey
sur le site de la Maison
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