Nathalie OURS, TOC


Un TOC c’est un Trouble Obsessionnel Compulsif. Camille, jolie petite fille sage aux yeux bleus et aux longs cheveux blonds, est atteinte de cette pathologie grave et, dans ce roman, c’est sa voix qui guide le lecteur dans son enfermement. L’enfer en direct, la solitude à l’état pur.

Cette excellente élève, qui passe ses récréations, seule, à former dans le sable des dessins identiques à l'infini, déconcerte ses camarades d’école. A la maison, transparente, elle ne trouve un peu de repos et de tendresse qu’auprès de sa chienne Nesquik, baptisée ainsi pour sa couleur chocolat.

L’origine de ses troubles semble provenir d’un drame familial récent, la paralysie de la sœur aînée suite à une terrible agression. Les mots n’ont pas su permettre à Camille d’affronter la réalité. Elle a donc totalement confié sa vie d’enfant aux chiffres, un rempart de chiffres derrière lequel elle s’abrite. Elle compte tout, tout le temps, de façon obsessionnelle : les gouttes d’eau, les carreaux noirs du couloir, les tic-tac du réveil, les battements de cœur de l’animal ou le clic-clic de la pompe à oxygène du grand-père.

« Je viens de penser au chiffre trois, alors je me lave trois fois les mains. A chaque fois je les rince puis je les resavonne. Si j'avais pensé à sept, je l'aurais fait sept fois. Et pareil pour n'importe quel nombre. Il n'arrive jamais que je ne pense à aucun. »

Pour se sécuriser, elle ritualise scrupuleusement tout son quotidien, réveil, toilette, jeux, repas, coucher, rien n’est laissé au hasard ou à la spontanéité. Ses journées sont réglées à la seconde près, suivant une logique de répétition stricte, dans le plus grand secret, afin de juguler l'angoisse qui rôde. Remplir le vide pour ne surtout jamais laisser de place au monstre qui l’habite. Car, contrairement à ce que tout le monde pense, Camille loin d’être parfaite représente un vrai danger pour son entourage. En tout cas elle le croit fermement.

La famille, la mère qui n’est plus qu’une enveloppe charnelle dont l’esprit s’évade dans un ailleurs inconnu, le père, compulsif du clavier qui se cache derrière son ordinateur, la sœur, boule de haine et de souffrance, ne sont plus que des étrangers, aveugles à son mal, qu’il lui faut protéger d’elle-même. Elle s’englue donc et s’étouffe dans cette toile d’araignée qu’elle retisse chaque jour. Il faut dire que fine mouche, par peur de paraître folle aux yeux des autres, l’intelligente gamine invente des techniques de camouflage et prend des précautions infinies pour préserver une apparence de normalité.

« D’abord, il fallait tout verrouiller. Les autres, ce qui pouvait se passer, étaient autant de risques. Je me suis isolée de plus en plus. (…) Même la nuit je ne pouvais pas me permettre de faire des cauchemars. J’aurais eu bien trop peur qu’ils se réalisent le jour venu. (…) Tant que je contrôlais mon cerveau, il n’arrivait rien. C’était dur. J’étais tout le temps sous tension, et en plus il fallait que je le cache.(…) Et je ne parle pas de la frayeur qui me paralysait lorsque tout ne marchait pas comme il fallait. Je devais rassembler une énergie colossale pour contenir le poison qui pouvait s’échapper de moi, pour redresser ma raison, pour, justement, redevenir raisonnable dans ce monde qui basculait. Je sortais de ces combats épuisée. »

La machine à broyer une fois en marche, l’étau se resserre, la vie semble s’enfuir et la folie guette cette petite chèvre de monsieur Seguin.

Nathalie Ours, loin de vouloir se positionner en juge ou en médecin en expliquant scientifiquement le phénomène des TOC, fait ressentir de l’intérieur le drame d'une petite fille prisonnière de ses obsessions. Elle réussit d'une façon subtile et sensible à décrire le malheur et l'angoisse de cette enfant, rongée par la culpabilité et victime de manies compulsives destructrices. Une écriture précise, à la fois douce et tranchante, pour un récit à la première personne, avec la simplicité et la naïveté de la voix de l’enfance. Un conte cruel de l'enfance meurtrie. Un court roman juste et poignant sur un sujet rarement abordé en littérature dont on ressort profondément touché.

Dominique Baillon-Lalande 



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Editions Joëlle Losfeld
90 pages - 9,50 €




Nathalie Ours est née à Paris en 1956. Elle vit dans le sud de la France depuis une dizaine d'années. Elle est l'auteur de 6 romans. Ses thèmes de prédilection sont le désir, la mort, l'enfance. Ses sujets sont de ceux qui dérangent.






Sur son site
www.nathalie-ours.net
vous trouverez la présentation de tous ses livres ainsi que des entretiens accordés à divers sites.