Jana PAVLIC, La Chouette et le Hibou



Trente six textes courts évoquent l’histoire de sa famille confrontée à l’Histoire de la Slovénie dans la période d’après-guerre où l’ex-Yougoslavie a vécu des bouleversements politiques. Jana Pavlic nous plonge dans ses souvenirs d’enfance et ceux de sa famille : « Grand-mère m'a expliqué qu'avant la guerre, ce grand bâtiment blanc au centre de la cour était une usine de spaghettis. L'usine était entourée d'un parc, et le petit pavillon sous notre balcon, le propriétaire de l'usine se l'était construit pour son repos. Il avait même une piscine. Après la guerre, ceux qui ont pris le pouvoir ont mis le propriétaire en prison. Ils ont mis des débris de verre dans sa nourriture, et il est mort d'une mort atroce. »

« Pendant la guerre, dans l'appartement de mes grands-parents se tenaient des réunions de la Résistance. Un jour, grand-père est parti dans la forêt. Il en est revenu blessé. Une nuit, les Allemands ont frappé aux portes des habitants du quartier. Ils ont pris tous les hommes. Chaque deuxième était fusillé dans une carrière à l'entrée de Ljubljana. Ceux qui n'étaient pas fusillés étaient déportés dans les camps de concentration. […] Après la guerre, les nouvelles autorités ont accusé les survivants des camps de collaboration. Il y eut des procès, les procès de Dachau. Grand-père a été soumis aux interrogatoires. A la fin, il fut acquitté. Des gens bien avaient témoigné en sa faveur. Depuis ce temps, grand-mère a interdit tous les pyjamas rayés dans la maison. »

« Nous avons souvent dit à grand-père d'écrire ses mémoires. Il répondait : Si j'écris ce que je pense, ce que j'ai vu, ils me mettront tout de suite en prison. C'était toujours eux d'un côté, et nous de l'autre. »

L’opéra, la voix, la musique, l’apprentissage des langues – « Mes histoires préférées, quand j’étais enfant, c’étaient des histoires en grec ancien et en latin. […] J’écoutais comme si c’étaient des histoires à suspense. Je ne comprenais pas les mots, mais cela n’avait aucune importance. C’était des ensorcellements que je suivais immobile. » – ont bercé Jana Pavlic pour la mener jusqu’à l’écriture pour notre plus grand plaisir. Ses textes sont emplis d’émotions, des vérités terribles sur la période après-guerre avec ses dérives politiques, sur les mystères et les aléas d’une famille que Jana Pavlic est allée retrouver avec les mots, avec amour et avec l’amour des mots.

Brigitte Aubonnet 



Jana Pavlic vit à Ljubljana en Slovénie. Elle est auteur, dramaturge et traductrice.
« La traduction ? C’était là. Dans ma famille, la connaissance des langues étrangères était toujours estimée comme la plus grande richesse. C’est peut-être un avantage, d’avoir pour langue maternelle une langue qui n’est parlée que par deux millions de personnes. Dans notre famille, un enfant devait toujours apprendre au moins une langue étrangère. Moi, c’était l’anglais et le français à partir de l’âge de six ans. Mon grand-père faisait déjà beaucoup de traductions de l’allemand. Il parlait aussi le français, le russe, l’italien, le grec ancien et le latin, le turc, le serbo-croate et quelques autres langues slaves. J’ai grandi entourée de dictionnaires et d’encyclopédies de toutes sortes. Je me disais que c’est un travail que j’aimerais bien faire. Avoir une grande table pour travailler avec plein de dictionnaires et de livres en différentes langues autour de moi. Et j’ai suivi cette image. »

Jana Pavlic a écrit ou co-écrit plusieurs textes dramatiques montés par des théâtres de Ljubljana.
Elle a traduit du français en slovène des œuvres de Michel Tournier, J.K. Huysmans, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Emile Benveniste, Georges Bataille, Boris Vian, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Samuel Beckett...
Elle a écrit dans différents journaux et revues, slovènes et français, de nombreux articles sur le théâtre et la littérature.
Elle a traduit en français « Les Enfants de la Rivière », œuvre du poète et auteur dramatique slovène Dane Zajc (éditions de l'Amandier, Paris, 2003).
« La Chouette et le Hibou » est son premier ouvrage écrit en langue française.



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Editions Le bruit des autres
96 pages
10 €








Photo de couverture :
Parc de Tivoli,
Ljubljana, 1965

















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