Retour à l'accueil





Thierry PÉRISSÉ

Le cœur à l'ouvrage


– Ben ! Qu’est-ce que t’as à la figure ?
– J’me suis cognée à la porte de l’armoire. J’ai oublié qu’elle était là.


Comme Paula Spencer, l’héroïne du roman de Roddy Doyle, La femme qui se cognait dans les portes, Olivia subit les violences de Michel, son compagnon, avec la honte d’en parler. Nous ne sommes pas à Dublin, mais en France, ici et maintenant.
Fille de bateliers, élevée en pension, ne sachant quasiment pas lire, Olivia s’est mise en ménage avec Michel et ils ont eu deux enfants, Cyndie, dix ans, et Enzo, deux ans et demi.
Au chômage à cinquante ans, Michel n’a pas grand espoir de retrouver un emploi. Il essaie de se recycler dans la brocante mais, pas très doué pour le commerce, il entasse des objets qu’il n’arrive pas à revendre.
Olivia ne supporte plus cette vie, cet appartement encombré, la présence permanente d’un compagnon désœuvré et violent.

Recroquevillée par terre dans la salle à manger, elle l'avait entendu préparer son repas dans la cuisine. En s'appuyant contre la bibliothèque, elle s'était mise à genoux et s'était déplacée jusqu'au canapé pour rejoindre Enzo et Cyndie. Tous les trois enlacés, ils ne formaient plus qu'un seul corps pétri de douleur et d'angoisse. Elle s'entendait encore dire : « Pleurez pas. C'est fini » avec beaucoup de difficultés car sa lèvre lui faisait atrocement mal. Elle avait fermé les yeux, essayant en vain de penser. Elle ne savait plus combien de temps ils étaient restés ainsi. Elle se souvenait que peu à peu les douleurs s'étaient estompées, qu'elle avait ressenti en elle comme un immense vide, comme si toutes ses fonctions vitales s'étaient arrêtées. Plus d'émotion, plus de sentiments, rien. Même pas l'envie de mourir. Le néant.

Pour échapper à ce déprimant quotidien, elle va chercher du travail et rencontrer l’amour.
Pierre est le père d’une copine de Cyndie. Olivia le voit souvent à la sortie de l’école et ils font un bout de chemin ensemble, une fois les enfants entrés en classe. Il est dessinateur de bandes dessinées. Ils vivent une liaison passionnée et Olivia découvre le plaisir, la tendresse, la musique et la poésie…

Le personnage d’Olivia est d’une grande force. Elle assume avec détermination l’éducation des deux enfants et s’occupe seule des problèmes de santé d’Enzo quand Michel préfère s’en remettre à Dieu.
Quand son compagnon devient trop violent, elle va porter plainte au commissariat, ce qui calme sérieusement ses velléités machistes. Elle se démène pour trouver un emploi dans la cantine d’un collège et s’autorise les moments de passion amoureuse avec Pierre.
L’auteur a fait le choix de transcrire les propos d’Olivia au plus près du réel – « Je va essayer de m’arranger » – et au bout de quelques répliques on s’habitue au langage de cette femme qui ne mâche pas ses mots, qui sait se révolter, qui évolue entre la haine (de son enfance, de la violence de Michel) et l’amour (de ses enfants, de Pierre). Un personnage que l’auteur nous amène à admirer plus qu’à plaindre et qui nous accompagne longtemps, une fois le livre refermé…

Serge Cabrol 
(28/12/09)    



Retour
Sommaire
Lectures










Éditions Chant d'Orties

Collection Rues en friche
230 pages – 13 €








Thierry Périssé,

a déjà publié un roman,
La caravane des oubliés (Atelier de Création Libertaire, 2006), et un recueil de nouvelles,
Noir horizon
(Chant d'Orties, 2007).