Vivre est difficile, grandir et avancer l’est encore plus. Viagra, femme d’âge mûr, et Martin, jeune homme de 22 ans qui se sent déjà vieux et sur des rails, partent pour une longue marche initiatique. Après sa Petite Punaise blanche en quête de nom et d’identité, suivre les pas et les mots de Chantal Portillo est toujours une riche aventure humaine et littéraire.

C’est l’hiver, ils avancent vers la mer, sous la pluie, dans le froid. Elle a vingt ans de plus que lui, elle est toujours en forme, il souffre mais continue avec elle.

Ils cheminent, chacun dans leur vécu, à la recherche d’une plénitude. Lui, est en conflit avec son père. Elle, est en douleur avec son passé : « Je suis mauvaise, Martin. Mauvaise. Va-t-en, c'est possible pour toi. Je suis cruelle, sadique. Je fais mal, je ne sais faire que cela. Je vais chercher à te blesser, t'étriper, c'est comme ça que je jouis. Peux pas autrement. Je cherche la faille, la zone sensible. Je traque le regard heureux, la beauté qui surgit. Peux pas supporter la beauté. Rien de plus agressif. Je la matraque. Je la tue. »
Des mots qui martèlent. Aucun espace pour l’à-peu-près. L’écriture de Chantal Portillo sonne juste.

Martin tombe malade, il découvre l’hospitalité puisque Viagra et lui sont hébergés par Marthe, une femme rencontrée dans un village. L’humanité et l’hospitalité existent toujours, marcher permet de le redécouvrir.
Ils retrouvent aussi les petits plaisirs de la vie. Un chien errant se met à les suivre et Martin apprécie la valeur de l’affection. Les liens entre les humains et les animaux sont complexes et limpides. Présents dans d’autres écrits de Chantal Portillo, ils éclairent sur les relations humaines où les émotions ne sont pas toujours faciles à exprimer.

Viagra est poursuivie par son passé dont elle ne parle jamais. Peut-on se libérer de tout ? Cette marche initiatique fait penser à celle des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Ce parcours suivi par Viagra et Martin n’est pas mystique mais tout aussi existentiel :
« — Sur le chemin des étoiles ? On n'est pas tout à fait sur la route des pèlerins médiévaux...
Elle s'interrompt. Il est si appliqué, si heureux, elle hésite.
— Après tout, pourquoi pas ? Est-ce la destination ou le chemin qui compte ? L'aboutissement... On peut toujours espérer... La métamorphose est peut-être justement sur le chemin. »
Ils s’interrogent, nous interrogent.

Le drame se mêle à l’espoir au fil de ce roman où l’écriture tendre et forte, rythmée par les pas, croque la vie avec passion. Chacun des romans de Chantal Portillo ouvre une nouvelle focale pour découvrir d’étonnants horizons.

Brigitte Aubonnet 
(14/07/07)