Terry PRATCHETT

Ronde de nuit



Avec Ronde de nuit, Terry Pratchett signe le vingt-huitième volume des Annales du Disque-monde. On se rappelle qu'il s'agit, comme son nom l'indique, d'un monde plat qui repose sur le dos de quatre éléphants eux-mêmes transportés à travers l'espace cosmique par la grande tortue A'Tuin, et où les lois de la physique sont remplacées par celles de la magie.

Livre après livre, l'auteur s'adonne à une description de plus en plus complexe et toujours très cohérente de son univers, en utilisant pour mieux les subvertir les thèmes les plus classiques du fantastique et de la science-fiction. En dépit de son abondance, sa production ne déçoit jamais. Terry Pratchett n'a rien de ces fabricants de best-sellers qui exploitent jusqu'à l'épuisement un filon toujours identique. Son inventivité se renouvelle sans cesse, dans une veine où le burlesque s'associe au merveilleux.

Dans Ronde de nuit, c'est le thème du voyage temporel qu'il explore. Ceux qui, forts de n'en avoir jamais lu, prennent la fantasy pour une sous-littérature bonne dans le meilleur des cas pour des préadolescents, imagineront mal la complexité et la rigueur des paradoxes logiques qui en découlent. Le commissaire divisionnaire Vimaire, qui commande le Guet d'Ankh-Morpok, l'une des capitales du Disque-monde, se trouve, à la suite d'un orage magique, transporté dans son propre passé, en compagnie de l'assassin qu'il s'apprêtait à arrêter. La présence et l'action des deux hommes risquent de modifier l'avenir, c'est-à-dire le présent dont ils viennent. Vimaire devra faire en sorte de compenser ces modifications s'il veut retourner dans son propre temps sans que l'Histoire soit bouleversée.

A son habitude, Terry Pratchett tire des effets réjouissants de son hypothèse de départ. L'habitué du Disque-monde s'amuse de retrouver, avec trente ans de moins, les personnages récurrents des Annales, dont Vimaire lui-même, alors toute jeune recrue, à qui le Vimaire d'âge mûr va apprendre son métier. La langue est toujours aussi riche et aussi plaisante, les dialogues ont souvent une touche d'absurdité et l'humour est omniprésent : d'un officier incompétent, l'auteur écrit par exemple qu'il est « un encouragement ambulant à la désertion » ; il évoque aussi « une religion druidique tellement stricte qu'elle prohibait même les érections de menhirs ». Quant à l'invention langagière, on peut en juger par cette liste de plats servis dans un restaurant rapide : « ragoûtière, bœuf dur, ratatchouille, ratapette, coup-de-sang et gamellasse - des plats bien consistants qui tenaient au corps, après quoi vous en baviez pour décoller du siège. »

Cependant, le propos n'est pas gratuit et le ton devient parfois plus grave, comme si, en approfondissant son univers, Terry Pratchett était amené, sans jamais moraliser, à dévoiler des valeurs auxquelles il tient. Tolérant, sans aucune illusion sur la nature humaine et allergique aux grands mots comme aux grands discours Vimaire incarne une sorte d'idéal. Courageux, capable de compassion, il a une haute idée de son devoir, qui est de protéger ses concitoyens et de servir la loi, mais pas nécessairement les dirigeants en place quand ceux-ci ne la respectent pas. Dans Ronde de nuit, il est amené à prendre le parti des rebelles qu'il aide à construire des barricades, situation dont Terry Pratchett exploite à fond la cocasserie.

Ce vingt-huitième livre ne risque donc pas de décevoir les familiers du Disque-monde. Les autres auront intérêt à le découvrir à travers les premiers volumes de la série, La huitième couleur ou La huitième fille, dans lesquels Terry Pratchett met en place les soubassements de son univers.

Sylvie Huguet 



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Editions L'Atalante
446 pages - 18,90 €

Traduit de l'anglais par Patrick Couton

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Les Annales
du Disque-monde

sont rééditées chez Pocket (actuellement jusqu'au volume 19)