Retour à l'accueil





Claude PUJADE-RENAUD

Le Désert de la grâce


Au début du roman, nous sommes en 1711. Port-Royal des Champs est un lieu de résistance et Louis XIV a décidé de raser cette abbaye et d’envoyer toutes les moniales dans d’autres couvents. En effet, ce lieu de méditation janséniste est considéré comme dangereux par le roi, le pape et les jésuites : « Ce monastère et son entourage étaient-ils devenus le symbole d'une résistance sourde à ce roi de droit divin, à ce pouvoir si fortement centralisé, cet œil-soleil censé tout voir, tout éclairer et contrôler, eh bien ces rayons-là n'avaient pas réussi à pénétrer au cœur de cette combe ombreuse, ces "saintes demeures du silence" pour reprendre les termes de M. Racine. D'ailleurs la vingtaine de moniales âgées, impotentes pour la plupart, certaines grabataires, expulsées en 1709 et dispersées dans différents couvents éloignés, cette poignée de vieilles femmes fragiles mais tenaces avait refusé jusqu'au bout de signer le formulaire sur ces questions de la grâce, imposé conjointement par le roi et le pape. Elles avaient ainsi signifié que leur conscience demeurait une forteresse inexpugnable, et elles en avaient payé le prix. »

Le roman est construit autour de différents témoignages qui donnent des points de vue complémentaires ou contradictoires. Madame de Maintenon, en accord avec le roi, hait Port-Royal et ses occupants. Marie-Catherine Racine, fille du dramaturge, évoque son expérience de vie dans l’Abbaye où elle a séjourné quelque temps avant d’en être retirée par son père. Elle est en quête d’une rencontre posthume avec son père qu’elle découvre à travers ses pièces et les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé : « Intriguée, j'amadoue mon frère, il accepte de me confier ce premier acte ainsi que les tragédies d'Euripide. Plus diverses notes et traductions de mon père, à partir du grec, du latin, des fragments de Plutarque, Virgile, Ovide et d'autres auteurs antiques. Je le rassure – soyez sans crainte, j'en prendrai le soin le plus extrême et ne tarderai pas à vous les rendre. De retour à la maison, je relis Iphigénie en Aulide. Cette fille qui, à Aulis, consentit à être sacrifiée, soumise à ce père, aimante. Et je frémis en retrouvant ces deux vers :
Fille d'Agamemnon, c'est moi qui la première
Seigneur, vous appelai de ce doux nom de père...
 »

Françoise de Joncoux, surnommée « L’invisible », consacre sa vie à regrouper des écrits concernant ce lieu. Elle garde aussi le contact avec ceux qui ont été exilés à Amsterdam et conserve les liens entre ceux qui partagent les mêmes idées.
Claude Pujade-Renaud nous fournit une multitude d’informations sur cette période où Louis XIV voulait régner en maître. De Racine à Blaise Pascal, de Madame de Maintenon au Docteur Claude Dodart, de La Champmeslé, actrice qui joue Phèdre et a aimé Racine, à Edune, la cuisinière de Blaise Pascal…, Claude Pujade-Renaud sait nous passionner pour l’aventure, brillante et tragique, de cette abbaye où se mêlent le politique, le littéraire, l’humain et le mystique.

Brigitte Aubonnet 
(13/09/07)    



Retour
Sommaire
Lectures









Editions Actes Sud

288 pages - 19,80 €





Vous pouvez lire
sur notre site

un entretien avec
Claude Pujade-Renaud


et
un article concernant
un autre livre
du même auteur :

Chers disparus