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Marie ROUANET

La nègre


Renée, la narratrice, est une jeune femme qui partage son temps entre la sculpture, la poterie, l’écriture poétique et de longues promenades nocturnes.
Quand s’ouvre le roman, après bien des aléas et des séjours ici ou là qu’on découvrira au fil des pages, Renée est revenue s’installer chez ses parents, ou plus précisément à l’autre bout du terrain, après le jardin, après le pré, dans une grange aménagée en atelier. Elle y mène une existence misérable et solitaire, vendant très peu et survivant grâce à quelques économies.
Léone, une amie d’enfance, l’invite à une soirée chez Hélène Jouan, devenue madame Henry.

Hélène était, autrefois, la princesse du village, fille unique des Jouan, notaires de père en fils depuis 1870.
« Elle fut, pour l’enfant de paysans que j’étais, une personne presque irréelle, inapprochée, inapprochable. Elle avait une dizaine d’années de plus que nous et nous admirions tout d’elle. Moi plus que les autres peut-être. »
Ensuite, Hélène a épousé Georges Henry, notaire lui aussi, héritier de l’étude de son père à Nantes, l’une des plus anciennes de France.
Hélène Henry devenait une femme immensément riche.

Mais cette Hélène, que rencontre Renée à la soirée où elle s’est rendue avec Léone, n’est plus la jolie princesse d’autrefois. Un accident de voiture l’a défigurée, lui a brûlé les cheveux, coupé une main…
« Pour parler, elle remuait à peine des lèvres fardées de rouge sang. Tout le visage était comme immobilisé dans un masque étroit de peau.
– Je viendrai vous voir dans votre atelier, dit-elle. Ce serait, peut-être pour une commande. 
»

Malgré le temps et l’accident, Hélène exerce toujours une grande fascination sur Renée.
La recevoir dans son atelier est un évènement majeur qui va changer sa vie.
Hélène achète quelques objets mais la poterie n’est pas le réel motif de sa visite.
« – L’autre jour, notre amie commune m’a parlé de vous comme d’un écrivain. »
Renée parle de sa poésie mais ce n’est pas ce qu’Hélène voulait entendre. Elles reviennent à la poterie.
« – J’ai un projet pour notre propriété de la Muselière. La vaisselle est ancienne et laide. Je vous expliquerai ce que je désire. Vous me feriez des modèles. »
Mais le projet d’Hélène n’a rien à voir avec la vaisselle…

Renée, captivée par Hélène, par le souvenir prégnant de la princesse de son enfance, par la puissance de l’argent, par les promesses de sommes colossales, va se soumettre au réel désir de Mme Henry : devenir sa "nègre" pour l’écriture d’un livre qui doit anéantir son mari en révélant escroqueries et turpitudes…

Rencontres et rendez-vous secrets vont lier les deux femmes dans ce projet vengeur. Hélène montre à Renée des documents qui sont autant de preuves accablantes et monstrueuses de la cupidité et de la perversité de son mari. Renée, douloureusement, rédige le brûlot.

Marie Rouanet construit là un livre passionnant. Nous suivons la narratrice dans ses pensées et ses pérégrinations, pour retrouver les personnes qu’elle a connues, les amies, les amants, et les lieux où elle a vécu. Nous vivons au jour le jour sa relation avec Hélène, ambiguë, entre soumission et révolte, affrontement et complicité. L’amour, l’admiration, l’horreur, la haine, l’émotion est au rendez-vous à chaque page. Un roman fort dont on sort bouleversé.

Serge Cabrol 
(15/02/10)    



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Lectures









Albin Michel

(Février 2010)
216 pages – 16 €







Photo © Styeb / Flickr.com
Marie Rouanet
est l’auteur de nombreux livres dont plusieurs ont été repris dans des collections de poche.







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