Beata SABOOVA

Si Jeanne avait pu écrire


Beata Saboova est une jeune poétesse d’origine slovaque, vivant à Paris qui, avec ce Si Jeanne avait pu écrire, nous livre un texte étonnant par l’empathie qu’elle nous offre et que nous ressentons mais aussi par cette voix prêtée à ce personnage de notre histoire qui était à l’époque analphabète. Le poème est constitué de dix parties qui courent sur les différentes étapes de la courte vie de Jeanne d’Arc. Nous commençons par le 30 avril 1167 (dans un pré à Domrémy) et finissons par le 30 mai 1181 (une place de Rouen). Dans un texte nommé : Ma démarche poétique, qui fait suite au poème en fin d’ouvrage, Beata Saboova nous dit : J’ai essayé d’imaginer ce qu’aurait écrit Jeanne d’Arc si elle n’avait pas été analphabète… Mais alors que reste-t-il de Jeanne si l’on fait abstraction de son fanatisme religieux et patriotique ? C’est une femme, un être humain dans sa dimension universelle, désespérée et un peu folle, qui livre un combat de toute sa force et qui ne se laisse tout simplement pas emporter par le cours de l’Histoire, mais qui le modifie et sort de l’anonymat auquel elle serait condamnée si elle ne s’était pas révoltée contre le climat de fatalité qui régnait pendant la guerre.
La lecture de ce recueil nous fait entendre Jeanne d’Arc aux différents moments choisis par la poétesse. Par son intermédiaire Jeanne n’est plus figure historique, mais femme devant l’adversité, ainsi, par exemple :

le 20 mars
ANNO DOMINI MCDXXVII,
dans la taverne de Domrémy

mes frères ont
des bras forts
et ils sont grands
ils sont les plus forts au monde
mais leurs cœurs sont purs
crainte du moment où ça
viendra chez nous
mes voisins sont des paysans ronds
rassasiés et à la teinte rose mais
ils se taisent quand la guerre hurle
seulement au vin et au calvados
ils rient tristement et ils jurent
contre l’ennemi
tous sont des ennemis
la question n’est pas :
qui est responsable
de cette horreur
non c’est
qui ne l’est pas
qui n’y est pour rien


d’un coup chacun sait
ce qui devrait être fait
mais personne ne le fera
seul un fou pourrait nous sauver
eux ils sont paysans
courbés
et moi je suis un enfant aux genoux
couverts de bleus
à force de prier
assez folle pour aller
éteindre ces feux


Comme vous pouvez le voir, l’écriture nous donne l’impression que Jeanne est là à nous dire ce qui lui pèse sur le cœur et l’esprit. On la sent pleine d’incertitude dans sa folie : faire la guerre pour la paix, mais le sang versé rougit tout ce qu’il éclabousse et la paix reste lointaine. L’empathie est bien là, prenante, qui nous fait continuer jusqu’au bout la lecture. Le dernier poème du recueil commence en force par ce qui est dit : je meurs pour avoir fait perdre / aux gagnants…
Je vous conseille la lecture de ce recueil qui prend notre esprit comme lorsque l’on suit quelqu’un dans son verbe.

Gilbert Desmée 
(25/12/08)    



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Poésie









Editions Corps Puce
Collection Poévie
46 pages - 6 €


Editions Corps Puce
27 rue d’Antibes
80090 Amiens