Retour à l'accueil





Nicole TOURNEUR

Terre brûlante


Terre brûlante est un roman riche en images et en suspens. Sa forme narrative alterne entre récit et lettres. Il a pour toile de fond un contexte historique précis, celui des révolutions successives qui ravagèrent la terre mexicaine sur plus d’un siècle (milieu XIXème, milieu XXème). Durant cette période, armée de Cristeros (soldats du Christ), armée gouvernementale et milices à la solde des grands propriétaires se livrèrent un combat sans merci. Apparemment très documenté, le roman montre à quel point il a été difficile de façonner une identité collective à un peuple composé d’Indiens et des descendants de Cortés assoiffés d’or sous le regard du Tout-puissant.

L’histoire débute au printemps 1885. Marcel, veuf récent, et son fils Fernand embarquent à Saint-Nazaire pour le Mexique supposé terre de promesse. Quelques mois après son arrivée en Amérique latine, il acquiert dix hectares de terre et un rancho. Il y a là comme une sorte de long prologue avant que l’on ne bascule en l’année 1992. De nouveaux personnages voient le jour. Ils n’auront de cesse de raconter les décennies manquantes.

Ainsi, apparaît Maia. C’est une jeune femme bretonne de vingt-huit ans, architecte d’intérieur, qui, suite à une mésaventure amoureuse, s’enfuit de Bretagne pour le Mexique afin d’y enseigner le français et l’anglais. Son parcours initiatique la conduit au village de San Fernando qui n’est pas sans remémorer les textures magiques d’un certain Macondo. Maia y fait la connaissance de Fernando, un nonagénaire mi-indien, mi-blanc. Par la voix du vieillard a lieu une longue évocation du temps où « les révolutions tuaient, les troupes gouvernementales massacraient ». Fernando a connu (dit-il !) Emiliano Zapata et ses guérilleros. Le nonagénaire aime à discuter le bout de gras avec l’âme de sa femme, assis sur sa pierre tombale. Parce que les Morts ne sont jamais tout à fait morts. Si leurs corps se sont absentés, leurs âmes, elles, continuent de vivre et on apporte à manger dans les cimetières sous le regard du Tout-puissant. Fernando est le fils de Liliana (Amalinalli en langue aztèque) d’origine indienne, mariée à Fernand l’expatrié. Sentant sa fin venir, elle écrit (en français) sur un cahier à l’attention de son fils, une série de lettres révélant le grand secret de sa vie. Et puis il y a Carmen, autre personnage de rêve et de réel, chamane centenaire, perdue dans la montagne où elle côtoie les Dieux et les démons à travers les fumées de la magie. Une fois de plus, on ne peut s’empêcher de penser à cet autre Melquiades.

Mais il y a plus définitif encore : tout au long du roman chemine la question de l’identité. Les personnages de Nicole Tourneur ne sont pas libres. Ils sont marqués par le passé, le leur, celui de leurs parents, de leurs ancêtres. Comme si le long cheminement identitaire allait consister à annuler, résoudre, effacer.

D’autres personnages adjuvants complètent la longue sarabande et, chapitre après chapitre, les interrogations sur le passé vont se poursuivre. De fragiles passerelles vont se tisser d’un siècle à un autre. Au fil des révélations, l’histoire va se diriger vers un dénouement salvateur et poignant.

Patrick Ottaviani 
(25/12/09)    



Retour
Sommaire
Lectures










Éditions Gunten

266 pages – 18 €