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Thanh-Van TRAN-NHUT

Le palais du Mandarin


Collection Exquis d'écrivains

Cette bibliothèque gourmande contemporaine invite les écrivains à dévoiler, autour d'un jeu de mots-clés, les secrets de leurs plaisirs gourmands.

Une collection dirigée par Chantal Pelletier.

Le titre de ce recueil est astucieux puisqu’il joue avec l’évocation des enquêtes du mandarin Tân (sept volumes parus aux éditions Piquier) et le double sens, architectural et gastronomique, du palais.
Ici, pas de mandarin Tân, ou si peu, juste une allusion page 106 :
J'ai un faible pour les poisons. Mon arrière-grand-père maternel, dont le nom est gravé en lettres d'or sur la stèle des mandarins dans la cité impériale, me jetterait un regard horrifié. Il a déjà payé de sa personne : son avatar est devenu le héros de mes romans, le mandarin Tân, qui traque assassins et criminels dans le Viêt Nam du XVlle siècle. A-t-il besoin d'une descendante qui avoue son penchant pour les poisons ?
Une occasion pour l’auteur de nous présenter sa toxine préférée, secrétée par la salamandre et nommée… le samandarin.

Fort heureusement, les quinze autres textes n’évoquent pas les toxines mais constituent un vagabondage exquis dans l’univers de la gastronomie.

Des contes, des rêves et des souvenirs très émouvants de son enfance au Viêt Nam, aux Etats-Unis et en France. Oui, en France, et plus précisément dans le Jura où s’est trouvée transplantée une petite Thanh-Van de neuf ans prononçant ses premiers mots de français et découvrant avec délice le goût du lait sortant du pis de la vache ou celui du pain au chocolat.

Ce qui est fascinant dans ce livre, c’est l’art de l’auteur pour transcrire toutes les sensations, les saveurs, les parfums, les couleurs… avec une écriture aussi vive que précise. La richesse du vocabulaire n’a rien à envier à la diversité des mets. Nous découvrons au détour des phrases un leprechaun, des psaltérions, des citoles, et pouvons saliver devant le lapereau en saupiquet.

Pour les couleurs, le premier texte évoque avec émotion le chè ba mau de Saïgon : En attendant le bus, je m'installais sur un tabouret au ras du sol et regardais la marchande s'activer, dégustant chacun de ses gestes comme un prélude à un plaisir plus intense encore. Elle laissait tomber dans un grand verre des brins de gélatine rose fluo et vert pomme, puis une poignée de haricots mungo. Ensuite s'y ajoutaient une couche de glace pilée, puis une couche d'algues, suivie de plusieurs longanes mélangés à des agates de gélatine magenta, semblables à des grains de grenade. Quand le verre était plein, elle versait sur les strates tricolores une louche de lait de coco pâle comme un clair de lune. Terminant enfin par un filet d'eau sucrée parfumée à la feuille de pandanus, elle me tendait l’ensemble avec un sourire en coin.

Mais le passage aux Etats-Unis n’est pas en reste pour les traces colorées et parfumées : Alors que nos parents paressent encore au lit, nous faisons chauffer dans le grille-pain une collection de Pop Tarts, gaufrettes au glaçage synthétique saupoudré d'un confetti sucré. Que la saveur soit celle des myrtilles, et le centre fumant libère une pâte violine de toute beauté ; qu'elle soit celle des fraises, alors c'est une purée amarante à la fragrance des bois. Et s'il s'agit de gaufrettes à la cannelle et au sucre roux, alors la pièce embaume des effluves chauds d'une veillée d'automne.

L’auteur nous offre aussi quelques voyages dans le temps, en 729 à Ch’ang-an sous la dynastie T’ang ou en 1454 à la cour de Philippe le Bon où les convives se délectaient des pâtés odorants qu'on venait de leur servir : chevreuil aux cassis, gorges de pigeon piquées de raisins secs, foies de volaille fleurant l'hysope et la sauge.

Si l’on voit peu le mandarin Tân, on retrouve tout de même ses deux amis, le lettré Dinh et le docteur Porc, qui se livrent à une joute de devinettes aussi coquines que gastronomiques.

Certaines nouvelles comme Brioche ou Pique-assiette se concluent par des chutes qui n’engendrent pas la mélancolie.

Tous ces textes constituent un ensemble délicieux, un amuse-gueule de choix avant d’aborder la nouvelle aventure du mandarin Tân intitulée… Le banquet de la licorne. A table !

Serge Cabrol 
(25/08/09)    



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NiL Editions

210 pages - 12 €








Thanh-Van Tran-Nhut
,
née au Viêt Nam en 1962, s'installe avec sa famille aux Etats-Unis en 68 puis en France en 71. Après le bac, elle repart aux Etats-Unis pour étudier (diplôme d'ingénieur en mécanique) et revient en France où elle retrouve sa sœur Kim avec qui elle entreprend la série des enquêtes du mandarin Tân... (bio-biblio complète sur le site de l'auteur)






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