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Thanh-Van TRAN-NHUT

La femme dans le miroir


– Qu'est-ce que tu racontes ? demanda Lena, au bout du fil. Un autre tableau représentant la même femme, peint trois cents ans après ?
Je lui expliquai patiemment l'affaire et lui relatai ma stupeur devant ce fait extraordinaire, mais elle m'opposa toute sa rationalité de scientifique.
– Tu dois te tromper. Ou alors le Suisse a copié une toile du Hollandais. Cela peut arriver.


C’est en effet une étrange histoire qui arrive au narrateur de ce roman.
Adrien Gascoing a perdu sa femme Emma et s’est coupé du monde, enfermé dans sa douleur et les traces évanescentes de son épouse qui subsistent dans l’appartement.
Un jour, tout de même, au bout de six mois, il répond au téléphone.
C’est Lena, qui avait été la meilleure amie d'Emma. Elles ne se ressemblaient pourtant pas, la rouquine insolente et ma douce blonde. Je les avais connues au lycée et avais été attiré un moment par les réparties vives de Lena, avant d'être laminé par son esprit tranchant. Cela dit, elle était fort jolie, Lena, dans le genre garçon manqué, alors qu’Emma avait cette délicatesse qui faisait frémir mon cœur.

Adrien accepte de sortir de sa léthargie et de sa tanière. Mais le retour à la vie est brutal et en sortant du restaurant, il a un malaise. Lena le soutient jusqu’à une boutique proche dont elle connaît le propriétaire, Zéphyrin.
C’est là que commence une aventure qui va bouleverser la vie d’Adrien et passionner le lecteur…

Cette boutique est une galerie de peinture où Adrien découvre deux "vanités". Lena lui en explique le sens.
– C'est un genre qui a connu beaucoup de succès au XVIIe siècle, en particulier aux Pays-Bas. Le peintre illustre principalement le caractère éphémère de la vie : d'où les objets rappelant les cinq sens – instruments de musique, miroirs – et les accessoires liés au passage du temps, comme les horloges et les sabliers. Pour souligner la fragilité de l'existence, il fait figurer également des fleurs qui se fanent, une bougie qui se consume, une femme encore jeune qui s'admire.
– Une nature morte en quelque sorte...
– Si on veut. Mais la différence essentielle entre une vanité et une simple nature morte réside dans ce crâne qui signale la fin inexorable de toute chose.


Quelques jours plus tard, dans une autre galerie, Adrien tombe en arrêt devant une troisième toile, datée de 1925, qui représente la même jeune femme avec le même grain de beauté à la base du cou.
Eternelle jeunesse, résurrection ?

Lena cherche à en savoir plus sur ces toiles par des moyens scientifiques (analyse de pigments, microscope électronique, spectromètre, réflectographie infrarouge…) tandis qu’Adrien se lance dans une quête historique autour des objets représentés et de la personnalité des peintres. Il va rencontrer des personnages étranges comme l’auteur d’une thèse qui vit dans un étonnant appartement au décor maritime ou une charmante vieille voisine veuve d’un thanatopracteur…

Ses recherches vont conduire Adrien vers des territoires ésotériques, sur les traces d’alchimistes, en quête de poudres magiques et de pierres philosophales, de transmutation du plomb en or et de secrets de prolongation de la vie…

Thanh-Van Tran-Nhut, quittant (provisoirement ?) Les enquêtes du mandarin Tân dont elle a déjà publié sept volumes, rejoint ici les grands auteurs de la littérature fantastique sans se priver de quelques clins d’œil à ses prédécesseurs en évoquant les lectures d’Adrien.
Je mis le livre de côté et piochai dans le carton. J'y trouvai plusieurs romans et nouvelles fantastiques, dont Le Pied de momie de Théophile Gautier, où on voit une momie réapparaître pour récupérer son pied sectionné, ainsi que Ligeia d'Edgar Allan Poe. J'avais beau les connaître, je ne pus m'empêcher de les relire pour le plaisir, m'immergeant dans l'ambiance étrange du XIXe siècle, où sévissaient spirites et nécromanciens, à la lueur de lustres en cristal.

Un grand bonheur de lecture et un nouvel aspect de la palette de cet auteur décidément très talentueux.

Serge Cabrol 
(05/02/10)    



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Lectures










Éditions Robert Laffont

216 pages - 18 €








Thanh-Van Tran-Nhut
,
née au Viêt Nam en 1962, s'installe avec sa famille aux Etats-Unis en 68 puis en France en 71. Après le bac, elle repart aux Etats-Unis pour étudier (diplôme d'ingénieur en mécanique) et revient en France où elle retrouve sa sœur Kim avec qui elle entreprend la série des enquêtes du mandarin Tân... (bio-biblio complète sur le site de l'auteur)



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