Vladimir VISSOTSKY

Ballades


Vladimir Vissotsky (1938-1980) fut acteur et poète chanteur. Reconnu par l’état soviétique comme acteur mais pas comme chanteur. Sa voix, pour tous ceux qui eurent l’occasion de l’entendre, était fascinante et inoubliable. Quand ce recueil des chansons de Vladimir Vissotsky m’est arrivé, rien que de regarder la première de couverture, des bouffées de souvenirs sont venues remettre dans mon oreille sa voix. Comme je ne comprends pas le russe, c’est pour moi, la première fois que je peux aborder le sens des textes de celui qui fut certainement le barde le plus important de l’URSS. Pour ceux qui trop jeunes n’auraient jamais entendu sa voix, je leur conseille d’aller visiter le site de YouTube où ils pourront écouter des chansons de Vissotsky chantées par lui-même.

Ce recueil de ballades nous est présenté en version bilingue russe et français, dans une traduction de Michel et Robert Bedin, avec une préface de Marina Vlady qui fut sa compagne pendant douze ans jusqu’au décès de celui-ci. Elle termine sa préface par : Mais je pense que le lecteur de ce recueil bilingue pourra, sans peine, se faire une opinion. Vladimir Vissotsky a toujours porté le fer dans la plaie.
Jusqu’à en mourir…


Pour vous faire une idée de la poésie des chansons de Vladimir Vissotsky, je vais vous en choisir une parmi les 119 présentées :

Qu’a donc cette demeure ? (1973)

Qu’a donc cette demeure
Engoncée dans le noir
Aux sept vents hurleurs
Menteurs et roublards
Dont toutes les croisées
Donnent sur la crevasse
Et la porte d’entrée
En plein sur l’impasse ?

J’ai dételé les chevaux. Pourtant j’étai flapi.
Eh ! Y a-t-il quelqu’un qui pourrait venir m’aider ?
Pas un chat. Seulement une ombre dans l’appentis
Un charognard au ciel tournoie comme aux aguets.

On pénètre là
Comme dans un troquet.
Un client sur trois,
D’avance, me hait.
Ils rechignent, c’est sûr.
Je les embarrasse.
Les icônes, au mur,
Sont toutes noires de crasse.

Une guitare souffrante gémit de la musique.
Une discussion s’engage, étrange méli-mélo/
Un gamin chapardeur, niais, épileptique,
En cachette, sous la nappe, me montre son couteau.

Qui va me répondre ?
Quel est ce taudis ?
Pourquoi est-il sombre
Comme une léproserie ?
Les cierges ont péri,
L’air s’est raréfié.
On a désappris
Chez vous d’exister […]

Voici donc le début de ce long texte qui m’apparaît comme une métaphore prémonitoire de ce que la Russie est devenue. Vous avez pu voir, à travers cet extrait, combien l’écriture de Vissotsky est puissante, où la scansion inscrite vient renforcer le dire, où l’expression imprime une certaine nervosité du propos, chaque strophe étant ciselée. Je vous recommande la lecture de ce recueil de ballades d’un poète chanteur que les soviétiques surnommaient "Le Nerf du siècle". Dans l’écriture s’entend déjà la puissance de la voix de Vladimir Vissotsky.

Gilbert Desmée 
(05/01/09)    



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Editions de Janus
Fiction & Témoignage
445 pages - 23 €