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Hamid ZIARATI

Salam, maman



Ce roman est la chronique d’une famille iranienne à Téhéran depuis le début des années 70, sous le régime du Shah Reza Pahlavi, jusqu’au début des années 80 après le retour de l’ayatollah Khomeini et la révolution islamiste.

Le narrateur est un petit garçon, Ali, qui nous fait partager sa vie pendant une dizaine d’années et c’est à travers son regard que nous vivons les événements qui bouleversent son pays.

Au début, la famille vit dans une certaine aisance. Le père est chauffeur de taxi, la mère s’occupe, avec une grande fermeté, de ses enfants. Ali est le troisième. Avant lui, il y a eu les jumeaux : Pari, la fille et Puyan le garçon. A la fin de la première partie, arrive le quatrième enfant, la petite Parvin.

Très vite, Puyan se passionne pour la photo et mitraille la famille sous tous les angles. Puis, peu à peu, il photographie ce qui l’entoure et cette activité deviendra l’essentiel de sa vie. Son autre passion, la lecture, va lui apporter de sérieux ennuis. On ne conteste pas impunément le régime du shah. Puyan va goûter l’inconfort de la prison et les souffrances de la torture.

Au fil des ans, Ali va se retrouver seul avec ses parents. Pari part étudier aux Etats-Unis, Puyan s’exile en Angleterre pour devenir reporter-photographe et la petite Parvin, plongée dans une profonde dépression après le départ de sa sœur, finit par rejoindre Pari en Amérique.

Les événements sont graves et racontés avec une grande précision, la famille en ressent durement les effets, mais l’écriture reste chargée d’humour et d’optimisme grâce au regard parfois naïf, parfois espiègle, du petit Ali.

La force tranquille de la mère est aussi pour beaucoup dans la tonalité du roman. Quand une tante, envisage le mariage de Pari avec un cousin, la mère sort les griffes.
– Mais... a poursuivi ma mère, Pari n'a que seize ans, et elle doit d'abord obtenir son diplôme.
– Elle pourra le préparer même en étant mariée, à Ispahan, a objecté maman Shiva.
– Mais moi, je ne veux pas qu'elle s'arrête au diplôme. Vois-tu, Shiva djun, mon mari est analphabète; moi, je sais à peine lire et écrire. Nos familles ignoraient l'importance de l'instruction et, de toute façon, n'avaient pas les moyens de nous envoyer à l'école. Mes enfants feront ce que nous n'avons pas pu faire.


Si elle ne peut pas faire la loi dehors, elle entend bien la faire chez elle. Comme en témoigne cette conversation entre Ali et Djamshid (un jeune communiste ami de Puyan) au sujet de Babak, un camarade de classe d’Ali très influencé par l’islamisme de son frère.
– Et ton ami Babak ? Il y a un bout de temps que je ne l'ai pas vu. Qu'est-ce qu'il devient ?
– Je ne sais pas.
– Vous vous êtes disputés ?
– Oui.
– Qu'est-ce qui s'est passé ?
– Pour lui éviter le pire, je l'ai chassé de chez nous à coups de pied au cul, sinon ma mère lui aurait fichu une telle raclée qu'elle l'aurait expédié à l'hôpital.
— Qu'est-ce qu'il a fait ?
[…]
– Je me suis disputé avec lui pour une chose qu'il a dite à ma mère.
– À ta mère ?
– Oui. Tu la connais bien, n'est-ce pas ?
– Oui. Elle m'a vu grandir. C'est une vraie lionne. C'est la femme la plus décidée et autoritaire que j'aie jamais connue.
[…]
– La dernière fois qu'il est venu me voir, cet onocéphale analphabète a eu le culot de dire à ma mère qu'elle devait se couvrir avec son tchador quand il venait chez nous.
Djamshi a éclaté de rire :
– Je vois d'ici la tête qu'a dû faire ta mère.
– Je ne lui ai pas laissé le temps de réagir, elle l'aurait catapulté du troisième étage.


L’ensemble constitue un livre aussi intéressant qu’agréable à lire, qui présente le quotidien d’une famille évoluant entre respect des traditions et modernité et qui met en scène par le détail les événements politiques qui ont jalonné une décennie de profonde mutation en Iran.

Serge Cabrol 
(08/03/10)    



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Editions Thierry Magnier
264 pages –18 €

Traduit de l'italien par
Marguerite Pozzoli








Hamid Ziarati,
né à Téhéran en 1966,
vit en Italie depuis 1981.
Ce premier roman
est écrit en italien.