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Abigail ASSOR

La nuit de David


La narratrice de ce roman, Olive, est la sœur jumelle de David, un enfant « différent » qui n’apprend pas aussi vite qu’Olive, n’acquiert pas les gestes de l’autonomie, se fâche, hurle, veut s’enfuir. Quand il sanglote longtemps, seule sa sœur lui redonne le sourire. Tous les deux construisent une complicité, fabriquent une langue qu’ils sont seuls à comprendre. Leur mère n’a pas la patience de supporter les difficultés de David et leurs échanges tournent souvent au drame. Quand ils jouent ensemble, la mère vient toujours interrompre pour surveiller, pour s’assurer que tout va bien. Quand ils font voler un cerf-volant, « Maman finissait toujours par en empoigner le fil. Le petit losange rouge, qu’on avait fait voler comme deux enfants qui s’aiment savent toujours le faire, atterrissait alors sur un buisson, crevé parmi les ancolies. »

Alors David se réfugie dans l’imaginaire, il s’échappe en rêve. David est parfois violent et la mère inquiète surveille de plus en plus les jumeaux, au point de laisser en permanence un babyphone dans leur chambre pour entendre leurs conversations.

Sa mère consulte une pédopsychiatre qui écoute David avec bienveillance, « il disait que c’était la dame la plus gentille du monde. Elle l’écoutait avec un sourire dans les yeux, sans jamais s’énerver, sans jamais le faire taire – comme toi, Olive. »

Mais la mère annule le deuxième rendez-vous parce que la psychiatre a jugé qu’il n’y avait rien d’alarmant dans la conduite de David. « On va pas retourner voir une folle pareille. »

Dans ce roman tragique l’autrice prend soin de restituer la poésie de l’enfance, la magie de leur communication. Par exemple, quand les jumeaux lisent des albums « à la fin de la page, une vibration commune sonnait le moment de tourner, et c’était ça notre langage, d’infimes tremblements en deçà du monde que seuls les gens comme nous, les gens indivisibles, savent percevoir. »

Tous les deux forment le projet de se lever une nuit à minuit et de rejoindre le passage à niveau tout proche de la maison pour que David puisse devenir un train. Cette folie de David, Olive la comprend comme une tentative de « tenter de renverser à coups de cris et de couteaux à beurre cet ordre familial sclérosé qui lui donnait des crises d’asthme ». C’est la folie qui concentre et masque la folie des autres.

Cette nuit marque la fin de leur enfance. Elle habite les rêves d’Olive comme une culpabilité irrémédiable.

Nadine Dutier 
(26/08/24)    



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Abigail ASSOR, La nuit de David
Gallimard

(Août 2024)
192 pages - 19,50 €

Version numérique
13,99 €





Abigail Assor
est née en 1990 à Casablanca. La Nuit de David est son deuxième roman. Aussi riche que le roi, son premier ouvrage, a reçu le prix Françoise Sagan 2022 et le Trophée Folio / Elle 2023.