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Béatrice COMMENGÉ

Ne jamais arriver


Si vous aimez les récits de voyage, il faut absolument lire le dernier livre de Béatrice Commengé. Il faut le lire car, en plus de nous faire vivre un voyage, il nous parle de ce qui le fonde. Est-ce que voyager est vouloir réaliser un rêve ? Ou est-ce voir un jour l’image d’un lieu et être happé par lui au point de se dire que l’on doit coûte que coûte s’y rendre ? Ou est-ce aimer un auteur et vouloir se mettre dans ses pas, faire le trajet qui l’a conduit dans un endroit précis ?

À l’origine du voyage de Béatrice Commengé, il y a tout cela à la fois. À partir de son amour d’Ovide, elle a voulu se rendre en Roumanie, à Constantza, anciennement nommée Tomis, la ville où le poète fut exilé après avoir écrit L’art d’aimer. Ce projet n’aurait cependant pas existé sans le hasard d’une image apparue sur son écran, un jour qu’elle faisait des recherches internet sur le poète. Cette image était celle d’une île : « l’île d’Ovide ». Dès lors, l’image avait nourri le rêve et les deux ont ensuite façonné son voyage. Non seulement, elle irait comme Ovide jusqu’à Tomis mais aussi sur cette île.

Le voyage, pourtant, se confronte à un moment ou un autre au réel. Pour Béatrice Commengé, ce réel s’est appellé Covid et confinement et la future voyageuse s’est vue contrainte comme nous tous à rester chez elle au lieu de partir. Mort, alors, son voyage ? À moins que l’on ne voyage déjà quand on sait que voyage il y aura ? Ou que le voyage ne grandisse d’être différé ou longuement attendu ?

L’auteure fait en tout cas cette expérience et il en émane de superbes pages sur l’impatience, sur l’attente, ou sur l’ailleurs et l’ici et maintenant. Toutes ces notions passionnantes se mêlent en plus à des éléments sur la vie d’Ovide ainsi que sur celle de l’auteure, qui partage avec nous des souvenirs d’enfance et d’adolescence : ses premiers déplacements, son premier voyage, ses premiers émois devant Rome. Assurément, même sur place, via la mémoire et l’écriture, nous voyageons.

Puis vient le voyage lui-même, écrit sous la forme d’un journal de bord. Là, nous allons en Italie, en Grèce, en Bulgarie et, enfin, à Tomis. « L’île d’Ovide » est en face et Béatrice Commengé la voit. Mais elle arrête là son journal de bord pour consacrer à cette île un chapitre à part. Un chapitre somptueux qui démarre par la question non moins somptueuse de Segalen : « L’imaginaire déçoit-il ou se renforce-t-il quand on le confronte au réel ? »

La réponse est dans le livre. Ou peut-être dans le titre : Ne jamais arriver. Car tout voyage n’est-il pas le commencement d’un autre ?

Isabelle Rossignol 
(11/09/24)    



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Lectures








Verdier

(Septembre 2024)
160 pages - 18 €





Béatrice Commengé,
née à Alger en 1949, est romancière et traductrice.

Bio-bibliographie
sur le site des éditions Verdier



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un précédent roman de
Béatrice Commengé :
Alger, rue des Bananiers