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Albena DIMITROVA

L’or qui fait de l’or


Ce roman qui se déroule dans l’univers de la finance, de la gestion des fonds d’investissement et des mécanismes d’optimisation fiscale, pourrait paraître rébarbatif à des novices en économie s’il n’était pas construit autour d’un personnage au caractère solide et bien trempé, Alina Dimitrieva.
Alina, née à Vulkova, dans un pays d’Europe orientale non précisé, est élevée par son père, Idro, et la tante Guinka. Idro est un chercheur érudit, qui a constitué une riche bibliothèque et mène des recherches « sur la stabilisation d’une reproduction artificielle de la photosynthèse qui permettrait de réduire la surabondance de gaz carbonique sur notre terre ». Son meilleur ami est un mathématicien, Leonid Kantorovitch, qui a obtenu un prix Nobel d’économie pour sa Théorie des transports. Dans un tel environnement, il n’est pas nécessaire d’aller à l’école pour apprendre et surtout pour apprendre à apprendre. C’est un livre de Jean-Jacques Rousseau, Lettres élémentaires sur la botanique, qui sert de support à ses premières découvertes. Et notamment le décodage des langues pour traduire, grâce au Grand Robert, le texte français dans sa langue maternelle. Coder, décoder, comprendre les relations de cause à effet, tout est sujet d’étude pour une fillette aussi intelligente que curieuse.

Lorsqu’elle atteint onze ans, son père décide qu’il est temps maintenant d’aller au collège car selon lui, « certaines potentialités ne peuvent se révéler qu’en se frottant à ses semblables ». C’est là qu’elle rencontre Ludmilla, que tout le monde appelle Luda, une fille très belle, objet de tous les regards et de toutes les convoitises masculines. Sautant des classes, Alina entre à l’université à seize ans mais elles continuent à se voir de temps à autre et c’est, en partie, leur improbable et indéfectible amitié qui est au cœur du roman.

Nous les retrouvons très vite devenues adultes. Alina passe un entretien d’embauche pour la S&CoFi, une société financière créée et dirigée par un jeune génie, Mike Ward, aussi brillant qu’exigeant, capable de violentes colères et de réceptions fastueuses.
Luda est devenue mannequin pour des marques prestigieuses mais elle est capable de renoncer à un défilé Dior à Milan pour venir fêter à Paris la réussite professionnelle d’Alina.

Au fil des chapitres, tous introduits par une formule mathématique (par exemple : « Prémisse n – 4, ∀ n > 4 »), nous accompagnons Alina à la fois dans son univers professionnel et dans sa relation amicale avec Luda. On s’aperçoit vite que le travail à la S&CoFi n’est pas un long fleuve tranquille mais au contraire génère un stress permanent, chacun pouvant être remis en cause à la moindre décision. Alina, qui n’a pas sa langue dans sa poche et peut faite preuve d’un tempérament impétueux, va prendre des initiatives dangereuses qui donnent peu à peu au roman un petit air de thriller.

Après Nous dinerons en français paru en 2016, Albena Dimitrova réussit encore un roman passionnant et original, porté par des personnages très attachants.

Serge Cabrol 
(05/08/24)    



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(Janvier 2024)
256 pages - 20 €









Albena Dimitrova,
née en Bulgarie en 1969, est arrivée en France à vingt ans pour suivre des études d’économie. Son premier roman, Nous dînerons en français, a obtenu le prix Europe 2016 de la littérature francophone.