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Thierry GAUQUELIN


De mémoire d’arbre


Ce récit est à la fois un exposé scientifique très précis et documenté qui livre au lecteur botaniste des données passionnantes et un roman amusant et décontracté, écrit à la première personne par le héros de l’histoire, un genévrier thurifère de l’Atlas marocain.
Ce genévrier ayant plus de 500 ans, l’histoire de sa vie couvre une période énorme qu’il nous conte depuis la naissance de sa graine jusqu’à nos jours. C’est l’occasion de nous éclairer sur la dormance des graines et la levée de cette dormance, délicate chez cette espèce. Une fois germée la graine doit s’enraciner dans un sol humide et souple, une denrée rare dans ces montagnes arides, et à l’abri des gros écarts de température, ce qu’elle ne trouve que sous le couvert d’un de ses congénères.
Ses petites feuilles libèrent une odeur forte pour décourager le broutage. Mais « les chèvres, qui de toute façon n’ont rien d’autre à manger à nos altitudes, ne font pas la fine bouche. » Avoir des petites feuilles est aussi un avantage quand l’eau est rare car cela limite la transpiration. Et pour plus d’efficacité, « mes feuilles sont recouvertes d’une couche de cire épaisse jouant le rôle d’un vernis imperméable limitant la transpiration à travers les cellules de l’épiderme. Enfin, elles sont capables d’absorber directement l’eau contenue dans l’atmosphère. » Comme presque tous les gymnospermes, il ne perd pas toutes ses aiguilles en hiver grâce à sa résistance au gel. Cela lui permet d’économiser des ressources tels l’azote ou le phosphore nécessaires à la fabrication des feuilles neuves.
Le genévrier thurifère est une espèce dioïque. C’est-à-dire avec des individus mâles et des individus femelles. L’avantage est de « limiter toute consanguinité. Le pollen produit par un arbre mâle devra, transporté par le vent, trouver un arbre femelle pour se reproduire. Et cet arbre femelle sera génétiquement différent du mâle. Quel brassage génétique en perspective ! »
Pour rendre hommage à quelques personnages ayant joué un rôle dans l’histoire de ces forêts, Thierry Gauquelin raconte leur rencontre avec le genévrier narrateur. Dans les années 1875, Ibrahim Ammeribt, un collecteur de plantes berbère ; en 1884, Charles de Foucauld, explorateur géographe ; en 1913, le maréchal Lyautey qui confie à Paul Boudy, forestier de l’École de Nancy, la protection des forêts du Maroc, alors protectorat français.
C’est en 1942, que le dernier lion de l’Atlas vient finir sa vie à l’ombre de son feuillage, victime des chasseurs. Un symbole du déclin de la biodiversité.
Le récit se termine avec le dilemme suivant : la subsistance des villageois passe par le broutage des troupeaux qui empêche les jeunes pousses de devenir adultes, par la récolte du bois pour se chauffer et cuisiner, par la fabrication de goudron vermifuge et antiparasitaire bien utile pour le cheptel. Tout cela décime les maigres forêts. Il y a pourtant des solutions pour concilier préservation de la forêt et maintien des bergers.  Exploiter la forêt en parcelles en protégeant certains secteurs du pâturage selon une réglementation très stricte.
En conclusion, le genévrier invite les hommes à adopter la sagesse des arbres.
« …que les humains prennent exemple sur nous en termes de sobriété, de frugalité ; qu’ils préfèrent la complémentarité et l’entraide de la concurrence. Il y a longtemps que nous avons compris que les ressources ne sont pas inépuisables ; il faut les économiser les recycler. […] si nous disparaissons, vous disparaîtrez avec nous. »

Nadine Dutier 
(25/09/24)    



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Lectures






Thierry GAUQUELIN, De mémoire d’arbre
Tana

(Août 2024)
160 pages – 17,90 €








Thierry Gauquelin,
professeur émérite à Aix-Marseille Université, est spécialiste des forêts du bassin méditerranéen, en particulier celles des Atlas marocains où l'on rencontre ces fascinants genévriers.