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Antonin VARENNE


La piste du vieil homme


« Une loi de l’univers que Patrick énonce en termes plus simples : on refout toujours les pieds dans la merde qu’on a laissée derrière soi. »
« Le passé, cette saloperie, a même le pouvoir de nuire à l’avenir. »

La piste du vieil homme c’est d’abord le road-movie de Simon qui vit depuis vingt ans à Madagascar. Avec Patrick, ils ont une petite entreprise touristique. Avec leurs voitures ils promènent des touristes sur l’île. Ils vivotent après plusieurs faillites.

Simon reçoit une lettre de sa fille, Charlotte, qui le prévient que son frère, Guillaume, est à Madagascar et qu’elle est inquiète car sans nouvelles de lui. Simon, septuagénaire, va donc prendre la route pour retrouver son fils.
« Après huit heures de route je ne suis plus tout à fait conscient. Mes yeux envoient des ordres réflexes à mes bras et mes pieds. Dévier, embrayer, freiner, relâcher, franchir, relancer doucement le moteur. Un million de trous, des centaines de virages et la nuit tombe. […] J’ai le dos comme une planche. » Qui connaît les routes ou les pistes africaines sait ce que ça veut dire de faire cent kilomètres à 40 km/h contournant les nids d’hippopotames…
Le road-movie est celui d’une famille avec amours et désamours, un père qui retrouve (dans tous les sens du terme) son fils, et aussi sa femme à travers les yeux et les entreprises de son fils, un père qui trouve et perd un fils adoptif. Simon, cahin-caha, avec illuminations et saison en enfer, se meut sur le chemin familial.

Un road-movie, partir à l’aventure, c’est forcément faire des rencontres sur ces terres où cohabitent sans se mélanger de nombreuses ethnies. Il y a la grande figure de sœur Françoise qui est également infirmière, qui forme des infirmières, soigne et accouche les femmes dans la brousse et laisse dans son sacerdoce beaucoup d’elle-même. « Cela fait de plus en plus longtemps que je n’ai pas eu d’enfants, ni connu d’autres formes d’amour que la charité. Et la charité n’est même pas de l'amour. Aimer tout le monde c'est juste donner de son temps. Ce n’est pas aimer une personne. J’ai passé ma vie dans un monde de catégories. Le bien, le mal, les croyants, les non-croyants, les élèves, les patients. Si je peux me féliciter de quelque chose, c’est de mon existence entière. Mais c’est comme si je n’avais pas de souvenirs qui n’appartiennent qu’à moi. Des souvenirs intimes. Le sacerdoce et la confession tuent notre intimité. » Sœur Françoise est un pilier de cette société chaotique, mais c’est au détriment de sa vie. C’est comme l’instituteur André Razafinandrezi qui fait trois jours de marche pour toucher son salaire, finalement ne l’aura pas mais retournera à son poste.

Simon rencontrera les Bara, voleurs de zébus, et les Daholo, bandits de grand chemin qui n’hésitent pas à tuer. En même temps, tout est toujours négociable que cela soit avec les voyous, les gendarmes ou les Daholo. Dans cette société tout est précaire. « Ils ont compris que les dettes de Guillaume n’allaient pas être réglées dans cette cour. Ils passent à l’autre calcul, le vrai, celui qu’ils font depuis qu’ils sont mômes : comment bouffer aujourd’hui. » Le road-movie est la découverte de la société malgache.

Enfin, La piste du vieil homme, c’est la ballade de Simon, ce septuagénaire qui remet d’aplomb des éléments bancals de sa vie. Il peut mourir en paix une bière à la main. « La Fresh est glacée. J’avale une gorgée, tire une latte de Good Look et souffle la fumée, dont le goût se mélange au sucre du panaché malgache. Je souris. »

Michel Lansade 
(05/08/24)    



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Noir & polar







Antonin VARENNE, La  piste du vieil homme
Gallimard / La Noire

(Avril 2024)
240 pages - 18 €

Version numérique :
12,99 €









Antonin Varenne,
né à Paris en 1973,
a déjà publié une douzaine de livres et reçu plusieurs prix littéraires.


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