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Jean-Pierre ANDREVON

Soixante-six synopsis


C'est à une expérience inédite que nous convie La Clef d'Argent avec ces Soixante-six synopsis. L'auteur s'en explique dans la préface : il a réuni, comme l'annonce le titre, soixante-six histoires ébauchées qui pourraient donner matière à roman ou à nouvelle, et qui, collationnées au cours de sa longue carrière, attendent un accomplissement définitif qu'il craint de ne pouvoir leur donner un jour. On peut trouver dans chacune le thème du récit, son déroulement projeté, sa chute, et la plupart, quelque peu retravaillées en vue de la publication, présentent déjà une certaine forme d'achèvement, si bien qu'elles peuvent se lire comme autant de short stories lapidaires aptes à susciter la curiosité, l'excitation, l'émotion du lecteur qui les découvre. Ces synopsis appartiennent à des genres divers – uchronie, polar, science-fiction, fantastique – mais malgré la vitalité foisonnante de l'imagination dont ils témoignent, certains thèmes y reviennent avec une fréquence obsessionnelle, comme d'ailleurs dans toute l'œuvre de l'auteur : disparition de l'humanité, folie de la guerre totale, saccage de la planète, cauchemars climatiques ou nucléaires, et bien sûr sympathie pour les espèces dont l'homo sapiens a fait ses victimes privilégiées. Le dernier texte du recueil, "Le chant des baleines", qui est aussi le plus beau et le plus complet, évoque ainsi la revanche implacable des animaux exterminés : "La flottille, désorganisée, se fracasse contre des murailles de glace dérivante. Des centaines d'hommes s'ébrouent dans l'eau glacée où des queues gigantesques s'abattent comme autant de marteaux. L'eau est rouge, encore. Mais cette fois, du sang des hommes" Jean-Pierre Andrevon n'hésite d'ailleurs pas à noter non sans humour noir, dans l'un de ses brefs commentaires : "Sans doute serais-je prêt à tuer un grand nombre d'êtres humains, mais pas une créature animale, fût-elle génétiquement modifiée ou d'origine extraterrestre !"

Au passage, on croise aussi Sherlock Holmes et Staline, on participe à une excursion en car qui permet de "visiter" les catastrophes les plus célèbres du vingtième siècle, des tremblements de terre aux camps de la mort. On apprécie une grande variété de registres, tragique, terreur, humour, onirisme, et parfois une envoutante poésie cosmique, comme dans "La bête dans la pierre" : "Soudain, il se retrouve dans l'espace sans fin, sous le regard indifférent de milliards d'étoiles. Il sent résonner en lui la fantastique vibration du Big Bang, il éprouve la détresse cosmique de l'univers qui refroidit, poursuit une expansion sans fin. Il est la créature dans la pierre, cet œil qui contemple l'éternel mouvement oscillant de l'Univers."

Mais le plus passionnant, le plus stimulant pour l'esprit, reste le principe même du recueil, qui permet d'épouser le dynamisme créateur de l'écrivain en dévoilant les étapes de son travail que les textes fixent comme autant d'instantanés. On découvre le rôle des rêves nocturnes, scrupuleusement notés pour engendrer le synopsis, les influences littéraires – Buzzati, Kafka – et cinématographiques qui ont inspiré l'auteur. Celui-ci commente lui-même le récit qu'il est en train d'écrire, pour en indiquer les développements futurs ; ainsi, on peut lire cette annotation, et d'autres semblables, dans "Le chant des baleines" : "Ces événements, qui occupent la partie centrale du récit, sont l'occasion de séquences diversifiées, où les points de vue doivent se multiplier en mosaïque." D'autre synopsis proposent deux chutes, entre lesquelles l'écrivain n'a pas choisi. "Les mauvais jours" se présente comme un début de roman jamais achevé. L'un des textes les plus significatifs est "L'Hôtel de la plage", qui livre successivement un premier jet de quelques lignes, un véritable synopsis, puis quelques pages d'une rédaction jugée définitive par l'auteur.

Soixante-six synopsis permet donc au lecteur de visiter le laboratoire intérieur où l'écrivain concocte ses œuvres. Le recueil intéressera non seulement les amateurs de short stories frappantes, mais aussi les esprits curieux d'étudier les mécanismes de la création littéraire. On espère que Jean-Pierre Andrevon pourra donner ultérieurement, pour notre plus grand plaisir, une forme vraiment définitive à certaines de ces "histoires à écrire".

Sylvie Huguet 
(09/06/13)    



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Lectures









La Clef d'Argent

(Mai 2013)
292 pages - 13 €







Jean-Pierre Andrevon
,
né en 1937 à Jallieu dans l'Isère, a publié plus de 130 romans, recueils ou essais dans des domaines aussi divers que le fantastique, la SF, le polar, la littérature jeunesse ou l'écologie. Chanteur, dessinateur, il vit à Grenoble entouré de ses nombreux chats.




Pour visiter le site
de l'auteur :
http://jp.andrevon.com/



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