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Annabel LYON

Aristote, mon père


Dans son premier roman, Le juste milieu,  Annabel Lyon donnait la parole à Aristote, précepteur du futur Alexandre le grand. L’auteur change cette fois-ci de point de vue et la narratrice est maintenant Pythias, la fille d’Aristote.
Alexandre est toujours sur le sentier de la guerre et quand la nouvelle de sa mort arrive à Athènes, les Macédoniens ne s’y sentent plus en sécurité. Alexandre était le fils de Philippe II de Macédoine et Aristote aussi était macédonien.
Aristote, mon père, est construit en deux parties. Dans la première, Aristote et sa famille quittent Athènes pour Chalcis. Il y mourra au bout d’un an. La deuxième partie est consacrée à la vie de Pythias après la mort de son père.

Au début du roman, Pythias a une douzaine d’années. Sa mère est morte lorsqu’elle avait trois ans. Aristote a pris pour compagne une de ses esclaves, Herpylis, dont il a eu un fils, Nicomaque,  qui a maintenant cinq ans. Annabel Lyon décrit d’une plume alerte la vie familiale, le quotidien au IVe siècle avant J.-C., le rapport aux esclaves et aux divinités.

Pythias est très proche de son père. Elle a appris à lire, assiste en cachette aux symposiums et intervient parfois devant les amis d’Aristote, ce qui n’est pas vu d’un bon œil par tout le monde.
« – Vous l'avez vraiment encouragée à s'épanouir, dit Krios à mon père.
– Ça commence à devenir un problème, réplique papa.
Quand leur rire retombe, Krios reprend :
– La question, alors, c'est de savoir si cette petite Athéna est unique, ou si elle est l'exemple de ce que pourraient être bien des filles, si elles étaient poussées par des pères tels que vous...
– Est-ce vraiment la question ? répond papa. Tu as détourné cette soirée, ma chérie.
Je réponds : "Je suis l'ombre de papa", parce que je veux lui dire que je l'aime. »
On verra au fil des pages, qu’il n’est pas simple d’être la fille d’Aristote dans une société où la culture, la politique, la vie de la cité sont des affaires d’hommes…

L’arrivée de Jason, le fils d’un cousin éloigné, trouble la vie de la famille. Aristote l’accueille comme un fils et le surnomme Myrmex (Petite Fourmi). La relation entre Pythias et ce nouveau « frère » est complexe, mêlant la violence à l’affection. Lorsqu’elle a seize ans et qu’elle voit Myrmex se baigner dans un étang, son corps ne la laisse pas indifférente.
« Mon frère, nu ; il retombe dans l'étang en soulevant une éclaboussure gigantesque qui illumine l'air de paillettes étincelantes, puis ressort, revêtu d'un manteau doré. Il flotte sur le dos pendant quelques instants pour que je puisse tout voir, se cambre paresseusement et plonge, fluide comme un dauphin : cou, torse, buisson soyeux, cuisses, genoux, pieds, orteils. Le pollen s'est enfui du centre de l'étang pour parer de jaune les berges, laissant derrière lui un joli trou noir. Il refait surface, sourit ; m'invite à le rejoindre. Un peu moins doré, à présent, après le second plongeon. Je sens le miel se libérer entre mes jambes. Je fais non de la tête. »
Myrmex va se révéler violent, menteur, voleur…

Le départ d’Athènes sous une pluie de cailloux est une scène douloureuse. La ferme qu’Aristote a laissée en Macédoine n’a pas été entretenue. L’installation est compliquée mais le philosophe continue à faire preuve d’énergie. Il lit, il nage, il étudie, il aime Herpylis et s’extasie devant l’intelligence de Pythias.

C’est après la mort d’Aristote que la vie devient très difficile pour sa fille. Le philosophe a laissé un testament précisant que Pythias doit épouser Nicanor, un cousin qui a quarante-quatre ans, parti guerroyer avec Alexandre et qu’on n’a pas revu depuis douze ans. Est-il encore en vie ? Pythias souhaite qu’il soit mort… Mais si c’est le cas, le testament indique que c’est Euphranor, un jeune officier, que Pythias doit épouser. Pour le moment, la jeune fille n’a aucune envie de se marier. Elle pense toujours à  Myrmex.  Où est-il passé ? Il s’est enfui avec l’argent et les réserves. Reviendra-t-il ?
Pyhtias, femme seule, sans aucune protection (sauf la présence discrète de Tychon, le fidèle esclave) va supporter bien des épreuves, connaître la misère et multiplier les expériences hasardeuses, avec toujours cette question dans les moments difficiles : « Que ferait mon père ? ».

Annabel Lyon nous fait partager au plus près l’existence d’une femme qui refuse les conventions et défend farouchement le droit de penser par elle-même, une indépendance d’esprit dont le prix est exorbitant dans cette époque de soumission et de respect des traditions qui nie jusqu’à l’existence d’une conscience féminine. Un roman aussi passionnant qu’émouvant.

Serge Cabrol 
(02/10/14)    



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La Table Ronde
Quai Voltaire

(Août 2014)
336 pages - 21 €


Traduit de l'anglais
(Canada)
par
David Fauquemberg








Annabel Lyon,
née en 1971 au Canada, a déjà publié deux recueils de nouvelles. Le juste milieu, son premier roman, a reçu l'un des prix majeurs de fiction au Canada. Il est traduit en dix-sept langues.



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