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Catherine BESSONART


Une valse pour rien


Chrétien Bompard est le commissaire récurrent des romans de Catherine Bessonart. Pour ce troisième volume, sa situation n’a guère changé,  il se remet toujours aussi mal du départ de Mathilde. Il repense sans cesse à leurs conversations, à leurs balades dans Paris, de jour comme de nuit. Il la revoit de temps à autre, par exemple pour aller au cinéma comme c’est le cas au début de ce livre.
C’est le jour de la Gay Pride et Bompard pendant le film ressent « cette barre au thorax qui laissait présager une affaire difficile. Il n'avait jamais parlé à personne, même pas à Mathilde, de cet état de prémonition qui s'emparait de lui, parfois. Il était sur le qui-vive. Il pensait aux menaces qui planaient sur la Gay Pride, il avait à l'esprit les soixante-dix pour cent d'augmentation des agressions homophobes qui avaient suivi le passage de la loi du mariage pour tous. Il avait d'ailleurs accepté l'invitation de Mathilde parce que le cinéma était sur le parcours de la manifestation, même s'il n'y avait là rien de rationnel. Il ne pourrait rien empêcher, il le savait, ce n'était ni son rôle, ni son job, mais si dérapage il y avait, il serait tout près. »
Et son intuition était bonne. À peine sorti du cinéma, le temps de voir Mathilde s’éloigner, son téléphone sonne pour lui apprendre qu’un homme a été agressé en pleine manifestation...

Aidé de ses deux adjoints, Grenelle et Machnel, Bompard se trouve vite confronté à un tueur en séries parce que deux autres victimes lui sont rapidement signalées. Trois hommes poignardés en trois jours avec des similitudes qui ne peuvent être des coïncidences. Il y a urgence à arrêter le tueur et mettre fin à la série.

Mario Lévi, celui de la Gay Pride n’est pas mort. Il est sérieusement blessé, hospitalisé dans le coma. Eduardo Samper, lui, a été poignardé et jeté dans la Seine, lesté d’un objet lourd.  Cyril Laurens « nu, le cœur transpercé, le crâne écrasé par une enclume, les bras en croix, émasculé, baignait dans son sang. Et sur la table de nuit, tel un trophée, une patte de chat. » Comme chaque fois, le cœur transpercé, l’enclume, la patte de chat. Par qui ? Pourquoi ?

L’enquête va nous mener à travers Paris, au cabaret Le chant des hommes, au port de l’Arsenal, place de la Bastille, rue des Rosiers, Pont de l’Alma...

Le portrait qui se dessine peu à peu du meurtrier est celui d’un homme souple, vif, comme un danseur, mais qui boite de la jambe gauche. L’enquête nous conduit donc aussi dans l’univers de la danse...

Une petite musique accompagne le roman, une rengaine tout en tendresse, faite de la nostalgie du commissaire pour les années passées avec Mathilde, pour cet amour qui vient le titiller  chaque jour, à un moment à un autre, comme pendant cette soirée au cabaret en hommage à  Allain Leprest chanteur à texte trop peu connu du grand public. « L'hommage à Allain Leprest réunissait cette fois des artistes éclaboussés par la gloire qui se souvenaient de leurs débuts dans des cabarets aujourd'hui disparus, et d'autres moins connus : Anne Sylvestre, Francesca Solleville, Olivia Ruiz, Bénabar, Loïc Lantoine et Christophe. Bompard regretta que ce fût une enquête qui guidât ses pas ; il aurait tellement aimé arriver avec Mathilde dans le passage derrière les Grands Boulevards qui menait à ce lieu ébouriffant où il avait découvert tant de talents ! Elle lui aurait expliqué ce qu'ils allaient voir, elle aurait poussé la porte en riant et il l'aurait suivie. Elle n'avait pas trente ans qu'elle connaissait déjà parfaitement la "rive gauche", ses cabarets et celles et ceux qui avaient chanté l’humain et ses dérives, l'amour et sa mélancolie, et maintenant leurs successeurs. Lui s'était laissé prendre dans ses filets. »

L’action, la proximité de ses lieutenants, les cigarettes et le whisky l’aident à chasser par moments sa nostalgie qui n’attend que l’occasion suivante pour revenir le troubler à nouveau.

Un beau roman, profondément humain, qui renforce notre attachement envers ce commissaire dont on espère pouvoir lire encore beaucoup d’enquêtes, des livres où, comme pour Maigret, Adamsberg,  Wallander, Montalbano, Pepe Carvalho et tant d’autres personnages récurrents, l’atmosphère, les lieux, les réflexions et les attitudes de l’enquêteur prennent autant d’importance que le résultat de l’enquête. À ne pas manquer et à suivre...

Serge Cabrol 
(09/04/15)    



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Noir & polar








L'Aube Noire

320 pages - 20 €










Catherine Bessonart,
est auteure, comédienne et scénariste. Son premier roman, Et si Notre-Dame
la nuit...,
a obtenu
le Prix Polar 2013
au Festival de Cognac.



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