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Depuis l’origine du lieu sans doute, les indigènes de Longcamp pimentaient leurs vies de rancœurs familiales, de disputes pour des terres. Pouvaient s’y adjoindre les ravages des infidélités amoureuses connues et le ressentiment insidieux des victimes de tromperies mieux gardées secrètes. Mais, quand fauchait la camarde, ces êtres désunis s’unissaient, du moins pour quelques jours ou quelques semaines, adoucissant leurs façons et leurs propos, moutonnant épaule contre épaule, en longs cortèges menant le mort à son repos éternel. C’est pour ce genre d’évocations que j’aime les romans de Roger Béteille : une plongée dans l’enfance, le petit village de mes grands-parents paternels au fin fond de l’Aveyron, à la fracture de ces années 50 qui ressemblaient encore tant à celles d’avant-guerre et qui avec l’arrivée de l’autre décennie allaient basculer dans le monde moderne. Dans un hameau du sud-ouest de la France donc, (l’Aveyron ?) Roger Béteille plante encore une fois le décor de son histoire de paysans mais, cette fois, les années 60 et leur cortège de révolutions en tous genres pointent leurs nez : c’est l’arrivée, dans cette campagne-là, des premières moissonneuses batteuses, des premières trayeuses automatiques, et surtout, surtout de la télévision jusqu’au tréfonds des foyers ruraux les plus reculés ! Jean est éleveur de vaches et de chèvres, célibataire, une quarantaine d’années, il partage le labeur avec sa vieille mère qui en plus de s’occuper des volailles, du potager et tenir la maison, a un don pour soigner les brûlures. Le roman débute sur la mort de cette vieille mère et la solitude pèse encore plus sur les épaules de Jean d’autant que ses plus proches voisins, résolument tournés vers des pratiques d’agriculture et d’élevage, modernes, pour ne pas dire brutales, lorgnent avidement sur ses lopins de terre pour s’agrandir. Alors Jean, pour ne pas rejoindre la triste cohorte des vieux garçons des environs, pour donner un sens au travail harassant qu’il accomplit tout au long des saisons, finit par retourner à l’agence matrimoniale qu’il a fuie quelques années auparavant lors d’une première tentative malheureuse pour trouver une compagne. Lui et la jeune femme qui va accepter de le suivre vont s’apprivoiser lentement, précautionneusement, tendrement. C’est beau de retenues, de paysages sauvages, de rudes travaux. Elle adressa un bonjour de la main à Jean, [...] Entre eux, ce genre de signes irréfléchis était apparu assez peu de jours après l’arrivée de Cathy dans la maison. Elle ne se souvenait plus qui, de son hôte ou d’elle-même, avait esquissé le premier de ces gestes spontanés. Mais ils se répétaient de façon imprévisible et ils créaient chaque fois une espèce de complicité fugitive. Sylvie Lansade (06/12/16) |
Sommaire Lectures Éditions du Rouergue (Octobre 2016) 288 pages - 20 € Bio-bibliographie de Roger Béteille sur Wikipédia Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Le mariage de Marie Falgoux Clarisse La maison sur la place La rivière en colère Noces bourgeoises Le chien de nuit Les défricheurs de nouveaux mondes |
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