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Christine BINI

Le Voyage et la Demeure
L’itinéraire poétique de Sylvestre Clancier



Sylvestre Clancier, né à Limoges en 1946, a publié son premier recueil de poésie en 1967. Depuis, des dizaines d’autres ont suivi, traduits dans une dizaine de langues et constituant une œuvre à la fois diverse et cohérente.
Christine Bini nous permet ici de découvrir l’univers et le parcours de ce poète ou de mieux le connaître.

Le Voyage et la Demeure nous aide à entrer dans l’œuvre de Sylvestre Clancier et d’en percevoir toute la richesse et la complexité, d’en comprendre la construction, l’élaboration, la finalité. On suit la genèse de son travail comme en visitant l’atelier d’un peintre.

Christine Bini présente les différents recueils dans leur unité et leur logique, les trois degrés de lecture de L’âme alchimiste, le travail autour des trois ordres, le minéral (Pierres de mémoire), le végétal (L’herbier des rêves) et l’animal (L’animal animé), la recherche sur les écritures premières, sur les alphabets et la construction de plusieurs ouvrages en abécédaires, la réflexion aussi sur les mythes avec Le livre d’Isis, Le livre d’Ulysse et Le christ en croix.

Une partie intitulée Les chronologies nous ouvre les portes de l’enfance du poète. Le recueil Enfrance montre bien toute l’importance de l’image du grand-père, Pierre, puisque le père, l’écrivain Georges-Emmanuel Clancier, n’est qu’une présence fugace dans le quotidien du petit garçon. La mère, thérapeute, vit dans un monde de folie et n’est guère plus présente. C’est Élise, la grand-mère, qui offre toute son affection au petit Sylvestre.
La généalogie du paysage nous permet d’entrevoir le lien qui unit le poète à sa terre, le Limousin, et à la langue occitane qui a bercé son enfance.

Christine Bini interroge à la fois les titres et le contenu des poèmes, elle en dégage les thèmes, les motifs, la construction, les blancs, l’absence de ponctuation.
Elle nous rappelle l’attachement du poète pour l’Oulipo et son goût pour le jeu avec les mots, l’amusement avec les normes poétiques.

Cet essai est suivi d’un entretien d’une quarantaine de pages qui interroge le poète sur son rapport à l’engagement, sur l’importance du nombre 3 dans son œuvre, sur sa filiation avec Nerval, sur l’Académie Mallarmé à laquelle il appartient et La Nouvelle Pléiade qu’il a fondée, sur les nombreux poètes qu’il cite, les auteurs contemporains qu’il lit, sur la relation poésie-peinture, et bien d’autres thèmes encore sur lesquels il est très intéressant de voir le regard du poète. Une conversation passionnante où l’auteur se livre en confiance et très librement.

Cet entretien est suivi de quelques « repères biographiques » et de photos où l’on retrouve le poète avec ses parents, ses grands-parents ou son épouse mais aussi avec Georges Perec en 1979. L’Oulipo n’est jamais très loin...

Un « choix de poèmes » emprunte à divers recueils pour nous offrir un florilège. En voici deux extraits.

Enfrance

                        Tu as quatre ans
Tu es sur la route
                        Elle te donne la main
la jeune Asiate aux cheveux bruns
Tu es loin des tiens

                        Elle est déjà ton amante
la femme si belle du médecin.

 

Un Jardin où la nuit respire

Les souvenirs vieillissent mal.
Tu avais oublié que la mémoire flanchait
que sa langue deviendrait improbable.

Il fait sombre déjà comme dans un train le soir
abandonné par des passagers incertains.

Étais-tu du voyage ?
Aurais-tu renoncé à ces enchantements
que ton sang dans l'enfance avait crus éternels ?

 

L’ouvrage se termine avec un texte de Sylvestre Clancier, La poésie est poïétique, où l’auteur exprime en une quinzaine de pages ses réflexions sur la singularité de la poésie, ses questionnements, ses registres, ses transgressions, son rôle dans la résistance, l’affirmation que « le poète est le gardien de l’humain ».
« C'est ce combat de la fraternité, antidote de l'exclusion et du fanatisme, qu'il nous faut, à nous autres poètes, libres penseurs du XXIe siècle, plus que jamais mener aujourd'hui, si nous voulons être dignes de nos prédécesseurs, ceux qui, à l'époque des Lumières, puis au XIXe siècle, dans la lignée de Hugo – on pense au grand Zola défenseur de Dreyfus – engagèrent leur vie et leur liberté pour la défense de la justice sociale. »

Cet ouvrage passionnera tous les amateurs de littérature par son étude de la langue et de l’univers d’un poète mais aussi par la profonde humanité qui s’en dégage et par cette expérience toujours intéressante de la relation qui unit l’exégète à l’auteur qu’il présente. Ici le lecteur ressent partout la liberté qui facilite la recherche et permet le questionnement. L’essayiste creuse avec intelligence, après une  lecture très attentive, et le poète accepte de bon gré cette fouille de son univers et de son œuvre, offrant ses réponses, ses souvenirs, ses poèmes, ses réflexions. Cette complicité concourt à la qualité de l’ensemble et au plaisir que tout lecteur curieux trouvera à la lecture de ce livre paru chez un éditeur qui contribue avec beaucoup de talent et de mérite à la tâche ardue de diffuser la poésie contemporaine.

Serge Cabrol 
(08/08/16)    



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L'herbe qui tremble

(Février 2016)
208 pages - 19 €














Christine Bini,
agrégée d'espagnol, essayiste, traductrice et chroniqueuse littéraire, a déjà publié un essai sur l'œuvre de Georges-Olivier Châteaureynaud, Le marbre et la brume, et, sous le nom de Christine Balbo, Les Gorges rouges,
son premier recueil de nouvelles.






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